Éloge de la lenteur
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 19 décembre 2024 10:54
- Écrit par Claude Séné
Si la plupart des Français déplorent la lenteur de la Justice, soumise à un encombrement engorgeant les diverses juridictions, il en est un, et non des moindres, qui doit se réjouir que la machine judiciaire mène ses affaires à un train de sénateur, et c’est l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Ses démêlés avec l’institution judiciaire semblent a priori avoir pris une tournure qui ne lui serait guère favorable, puisqu’il vient de se voir signifier la confirmation en Cassation de sa condamnation en première instance puis en appel à une peine de prison de 3 ans, dont un ferme, assorti d’un aménagement sous bracelet électronique, pour des faits remontant à 2014.
Il aura donc bénéficié pendant dix ans de la présomption d’innocence, comme tout justiciable, mais aussi d’une forme d’immunité liée à son statut de chef de l’état pendant son quinquennat. Même si sa condamnation est devenue définitive, ayant épuisé les recours nationaux et qu’il a fait savoir qu’il se conformerait « évidemment » à la décision judiciaire, il peut encore saisir une juridiction supranationale, celle de la Cour européenne des droits de l’homme, et il ne compte pas s’en priver, puisqu’il clame son innocence, dans cette affaire comme dans toutes les autres, malgré les preuves apportées par le ministère public et jugées conclusives par les magistrats. La saisine de la CEDH ne permet pas toutefois de sursoir à l’exécution de la sanction, plus humiliante que véritablement pénalisante. Le juge d’application des peines dispose de quelques mois pour exécuter la sentence et faire équiper l’ancien président du bracelet électronique permettant de contrôler ses déplacements.
Toutes ces démarches parfaitement légales devraient rapprocher Nicolas Sarkozy de la date de son anniversaire, et c’est pour lui un évènement particulièrement important en 2025, puisque le 28 janvier prochain il fêtera ses 70 ans, pile-poil l’âge requis pour bénéficier d’une remise de peine pour raison de santé. Selon les spécialistes, sa détention à domicile sous surveillance électronique pourrait être ramenée à 6 mois, ce qui n’est pas cher payé pour des faits avérés de corruption et de trafic d’influence dans l’affaire des écoutes téléphoniques. On voit par là combien le régime d’irresponsabilité du Président de la République pendant la durée de son mandat pour des faits ayant trait à sa fonction, ou pour des délits de droit commun, est préjudiciable à l’exercice démocratique du pouvoir. La peine prononcée par la Cour prévoyait également une privation de ses droits civils et civiques de 3 ans, pratiquement sans conséquences, puisque Nicolas Sarkozy ne s’est présenté à aucune échéance électorale depuis son départ de l’Élysée, et qu’il n’a même pas obtenu l’investiture de son propre parti pour se présenter aux présidentielles. Encore une illustration du décalage entre le temps politique et le temps judiciaire, qui entretient une illusion d’immunité voire d’impunité des politiques.