Le cabri botte en touche

Pourquoi ce titre énigmatique ? Patience. Le cabri, c’est Emmanuel Macron. Interpelé sur la gestion de la crise migratoire et le nombre record de migrants débarqués récemment sur l’île italienne de Lampedusa, le président français a semblé vouloir sauter sur sa chaise comme un cabri, en criant : « l’Europe, l’Europe, l’Europe », paraphrasant ainsi la formule célèbre utilisée par le général de Gaulle dans un discours le 14 décembre 1965, et qui est restée dans les mémoires comme un exemple de l’inefficacité des déclarations incantatoires. Il aurait pu ajouter, comme De Gaulle, que « cela n’aboutit à rien, et cela ne signifie rien ».

Emmanuel Macron se donne le beau rôle en sous-entendant que le problème relève exclusivement de l’action des institutions européennes, se payant le luxe d’afficher une solidarité avec l’Italie, qui est en première ligne. En pratique, il va cependant renforcer les contrôles aux frontières avec l’Italie, suspectée de laisser passer beaucoup trop de clandestins. C’est oublier un peu vite que l’Europe c’est nous, et que le système mis en place craque de partout. Les accords de Dublin prévoient que les demandes d’asile doivent être traitées dans le premier pays européen qui constate la présence d’un ressortissant étranger, principalement, l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Ces pays sont supposés être aidés à remplir cette difficile mission, mais ils ne parviennent pas à traiter toutes les demandes, laissant les migrants végéter dans des conditions misérables ou poursuivre leur périple vers d’autres contrées.

On peut constater au passage que les rodomontades des partis populistes italiens, qui se faisaient fort d’arrêter ce qu’ils considèrent comme une invasion, ont fait long feu. À l’épreuve des faits, Georgia Meloni et ses alliés n’ont pas réussi à bloquer leurs frontières comme ils l’annonçaient. Un avertissement aux électeurs français qui croiraient aux promesses du Rassemblement national ou du parti d’Éric Zemmour. Reste que le recours aux institutions européennes prôné par Emmanuel Macron, même s’il est légitime en théorie, s’annonce très aléatoire. Le pays le plus peuplé, l’Allemagne, refuse désormais d’honorer sa signature pour accueillir sa part d’étrangers admis sur critères pourtant très restrictifs. D’autres pays comme la Hongrie n’ont jamais accepté le moindre migrant. Quant à la France, elle multiplie les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sans être en mesure de les faire appliquer. Renvoyer la question épineuse de l’immigration à une négociation au niveau européen, c’est faire capoter le dossier presque à coup sûr. D’autant plus que la présidente Ursula Von der Leyen s’est déclarée favorable à un nouvel élargissement de l’Union, avec des adhésions futures de l’Ukraine ou de la Moldavie, alors que l’Europe des 27 est déjà difficilement gouvernable. En attendant, des milliers de candidats tenteront encore leur chance dans des traversées folles et coûteuses, sans qu’aucune solution raisonnable soit adoptée.