Plus tu pédales moins vite…

Devant la montée de la recrudescence des polémiques suscitées par une circulaire émanant des services du Quai d’Orsay, Rima Abdul Malak, la ministre de la Culture, a été obligée de se fendre d’un communiqué pour tenter d’éteindre le début d’incendie et calmer le tollé provoqué par des mesures apparemment discriminatoires concernant les artistes en provenance du Niger, du Burkina Faso ou du Mali. Ces trois pays seraient devenus infréquentables du fait qu’ils ont été la cible de coups d’État militaires et que la France serait priée de reprendre ses forces armées dont les putschistes ne souhaitent pas la présence sur leurs territoires.

En gros, le ministère des Affaires étrangères recommandait de ne plus inviter d’artistes de ces trois pays et ne pas nouer de nouveaux partenariats ou de coopération culturelle avec eux. Une circulaire en ce sens a déclenché une levée de boucliers, tout à fait compréhensible, devant ce qui apparait comme une mesquinerie et une façon inadmissible de faire payer les populations pour les erreurs de leurs dirigeants, légitimes ou non. La ministre a donc fini par tenter de rattraper sa bévue, car, qu’elle le veuille ou non, par solidarité gouvernementale, elle doit assumer la responsabilité de cette décision, sauf à désavouer quelque lampiste qui aurait outrepassé ses fonctions. D’où cet exercice de rétropédalage laborieux, qui ne trompera personne. Nous l’aurions mal comprise. Jamais, au grand jamais il sera question de « boycotter » un artiste, aurait-il tué père et mère. La vérité est toute autre. Il s’agirait uniquement d’un problème technique lié à la désorganisation dans la délivrance de visas du fait des circonstances exceptionnelles dans ces pays, doublé d’une difficulté à assurer la sécurité de nos ressortissants dans ces conditions particulières.

Une fois sortis les avirons, la ministre a laborieusement énuméré tous les arguments plaidant pour une bonne foi française. Il n’est évidemment pas question d’aucunes représailles à l’égard des artistes sahéliens déjà installés sur notre territoire, ni de dénoncer des contrats déjà en place auparavant. De même, la France continuera d’accueillir des artistes de toutes nationalités qui seraient victimes de menaces ou de discriminations dans leur pays d’origine. Encore heureux ! Devant tant de maladresses, on hésite entre l’incompétence pure et simple, ou la mise en œuvre d’une doctrine, qui serait alors bien inquiétante pour se venger des vexations subies par notre pays depuis quelques mois ou quelques années dans son ancien pré carré. N’en déplaise à Michel Sardou, nous ne sommes plus au temps béni des colonies, et les cultures africaines ont acquis un droit de cité au panthéon de l’humanité. Ceux qui ont le plus à perdre dans cette tentative de glaciation des échanges culturels, ce sont les Occidentaux, qui seraient ainsi privés d’un enrichissement de leurs pratiques et d’une source d’inspiration pour leurs créations artistiques.