Super-héros

Avec les premiers incendies et les feux de l’été, le dôme de chaleur qui touche l’ensemble du pourtour méditerranéen, le discours du président de la République est passé presque entièrement inaperçu, et c’est plutôt injuste. On en a presque oublié qu’il y avait eu un remaniement ministériel, sous prétexte que la Première ministre avait sauvé sa tête bien qu’elle n’ait pas pu remplir sa mission impossible d’élargissement de la majorité. Parmi les membres du gouvernement, à part Marlène Schiappa, qu’il fallait exfiltrer d’urgence, c’est surtout le cas de Pap Ndiaye que le patron voulait régler sans délai, afin de faire une rentrée sur des bases nouvelles, espérait-il.

Pour y parvenir, il a nommé Gabriel Attal, qui a déjà occupé les fonctions de porte-parole du gouvernement, ce qui tombe bien, puisque c’est visiblement le rôle que lui a dévolu le chef de l’état, celui d’être le relai du véritable ministre, lui-même, et il l’a détaillé au cours de son interview. Sans rien annoncer de véritablement nouveau, il a recadré la fonction enseignante, revalorisée à condition d’être taillable et corvéable à merci, sur un modèle libéral, comme il en a l’habitude. On peut légitimement se demander ce que Gabriel Attal connait au système éducatif public, lui qui est un pur produit de l’école Alsacienne, même si ce choix effectué par ses parents ne peut pas lui être imputé. On voit bien que c’est une constante de la reproduction des classes sociales dirigeantes que d’avoir recours à l’enseignement privé. Le président lui-même y a suivi son cursus scolaire, et ne sera donc pas dépaysé. De toute façon, grâce à ses superpouvoirs, le président peut assumer tous les rôles, mener à bien toutes les tâches. Par son don d’ubiquité, il peut s’occuper à la fois de la métropole et de la gestion quotidienne du pays, tout en résolvant le problème délicat de la Nouvelle-Calédonie sur lequel tous ses prédécesseurs se sont cassé les dents.

En définitive, il serait plus simple de dresser la liste des domaines où Emmanuel Macron ne serait pas plus compétent que les plus éminents spécialistes, si tant est que l’on puisse en trouver ne serait-ce qu’un seul, que de faire l’inventaire des domaines où il excelle. Si, par modestie, il lui arrive de reconnaître que tout n’a pas été parfait dans sa gestion des situations, il s’empresse de préciser qu’il n’est pas seul en cause, s’abritant derrière un « on » salvateur : « on n’a pas tout bien fait ». Quel dommage, quand on dispose d’un tel super-héros, de devoir se soumettre à des règles bien inutiles, voulues par la Constitution, l’empêchant de diriger personnellement aucun domaine ministériel, et pire encore, de ne pas pouvoir briguer un mandat supplémentaire lui permettant de continuer ad libitum à présider aux destinées de notre pays, sans s’encombrer de principes démocratiques.