Je vous présente mes confuses

C’est cette réplique du « père Noël est une ordure » qui me parait résumer le mieux la situation actuelle en Russie. Sommes-nous à la veille d’un « coup » comme le disent les Anglo-saxons en français dans le texte pour désigner ce que nous appelons, nous, parfois, un « pronunciamiento » pour souligner l’origine hispanique de tels mouvements ? La définition correspond assez bien à ce qui semble se passer en Russie, sinon que ce n’est pas, à l’heure actuelle, une rébellion d‘une partie de l’armée régulière contre le pouvoir central, mais un soulèvement de la milice privée Wagner, contre le commandement militaire et le ministre des Armées.

Officiellement, Evguéni Prigojine, s’il ne s’est pas privé depuis le début de « l’opération spéciale » en Ukraine de critiquer violemment le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major Valéri Guerassimov, ne met pas en cause le pouvoir de son « ami » Vladimir Poutine. Il a toutefois franchi le Rubicon en allant s’installer dans la région de Rostov avec armes et bagages, menaçant de détruire tous ceux qui s’opposeraient à lui, fort d’une armée de 25 000 hommes qui a fait ses preuves au combat dans la région de Bakhmout notamment. Cette fiction d’une révolte uniquement tournée contre deux hommes désignés pour leur incompétence et épargnant le chef suprême, ne pouvait pas tenir bien longtemps. Le chef du Kremlin a donc été obligé de faire une déclaration pour dénoncer « une trahison interne » et annoncer des mesures rapides pour punir les responsables. Poutine ne peut plus fermer les yeux sur les actions du chef de la milice, qu’il semblait protéger jusqu’ici, sous peine de saper sa propre autorité. Il va tout tenter pour couper la tête de cette rébellion, ce qui passe probablement par l’élimination physique de son chef, s’il y parvient.

Dans l’immédiat, l’ouverture d’un nouveau front, interne celui-là, entre factions favorables ou non à Vladimir Poutine, pourrait être un tournant dans la guerre contre l’Ukraine. La partie n’est pas jouée. Tout dépendra des soutiens que pourra recueillir Evguéni Prigojine dans le pays. Les garnisons des villes les plus importantes de Russie ont été mises en état d’alerte et le parquet général russe a ouvert une enquête pour mutinerie armée à l’encontre du chef de Wagner. L’issue du combat reste incertaine, mais la victoire de Prigojine me parait douteuse. Du moins pour le moment. Habituellement, un putsch militaire est préparé soigneusement. Les cibles stratégiques sont désignées à l’avance, notamment les aéroports ou les stations de radio ou de télévision, les bâtiments publics stratégiques sont contrôlés et le succès de l’opération se joue dans les premières heures de l’insurrection. Rien de cela ne se passe aujourd’hui, ce qui signifie peut-être que Prigojine joue le coup d’après en préparant une candidature aux élections présidentielles de 2024. Seul l’avenir nous le dira.