La chasse aux pauvres est ouverte

Sans être plus que moi un spécialiste de l’art cynégétique, vous savez que l’on distingue généralement le gros gibier, que l’on pourchasse à grand renfort de battues, avec des meutes de chiens, de superbes équipages, et force instruments à vent qui effarouchent les animaux à défaut de nous esbaudir les oreilles, et le petit gibier, moins prestigieux. Il en va de même pour la fiscalité et les aides sociales. Le président actuel a décidé que les milliardaires faisaient partie des espèces protégées. Leur chasse restera donc prohibée tout le temps qu’il restera au pouvoir.

Ce que certains ont appelé l’ISF vert ne verra donc pas le jour sous cette interminable fin de quinquennat. De la même façon, le gouvernement n’a pas l’intention d’utiliser l’arme fatale pour pénaliser les entreprises rétives à la transition écologique, en conditionnant ses aides à une attitude plus respectueuse de l’environnement. Quant à la fraude fiscale proprement dite, ou son sous-produit, l’optimisation fiscale, une fraude légale, elle ne sera combattue que très mollement, faute de personnel, alors qu’elle représente une marge de manœuvre colossale, dix fois supérieure aux gains attendus par la lutte contre la supposée fraude sociale. C’est que le petit peuple, comme le petit gibier, n’a guère de moyens de se défendre, car il ne dispose pas d’une armée d’avocats spécialisés, lui. Il semblerait que le gouvernement ait l’intention de traquer les plus pauvres, qui touchent des sommes dérisoires, parfois à tort, il est vrai. Si l’objectif est de rétablir une certaine justice sociale, il serait plus urgent de mettre en place le versement automatique des prestations sociales à tous ceux qui remplissent les conditions, par exemple pour le RSA qui n’est pas demandé par un tiers de ses bénéficiaires potentiels.

Mais la justice sociale est le cadet des soucis de ceux qui nous gouvernent. J’entendais récemment une jeune économiste faire une brillante démonstration sur un point particulier, les déductions fiscales pour des dons à un parti politique. Si un « riche » donne 500 euros au parti de son choix, il peut en déduire 66 % sur ses impôts sur le revenu, soit 330 euros. Si un « pauvre » donne la même somme, il paie plein pot, car il n’est pas imposable sur le revenu. L’état subventionne donc les 50 % des plus aisés et pénalise les autres 50 % de la population. Alors que les populations « pauvres » paient quand même tous les impôts indirects et notamment la TVA, principale source de revenus de l’État. Les ministres concernés préfèrent stigmatiser la population, dont on sous-entend qu’elle ne se donne pas beaucoup de mal pour trouver un travail, et quand elle en décroche un, s’empresserait d’envoyer la plus grande partie de son salaire de l’autre côté de la Méditerranée, conjuguant ainsi discrimination sociale et racisme ordinaire.