Argument d’autorité et complotisme
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 29 mai 2023 00:33
- Écrit par Claude Séné
Voici deux notions que l’on ne s’attendrait pas à retrouver associées, mais qui sont cependant mêlées dans notre actualité récente. On se souvient qu’au début de la pandémie du Covid 19, les théories les plus échevelées ont circulé, notamment sur les réseaux sociaux, que je ne connais que par ouï-dire. Faute de certitudes sur la nature du virus et son mode de transmission, l’opinion publique se tournait assez naturellement vers ceux qui étaient supposés détenir la connaissance, les scientifiques. L’un d’entre eux en particulier a prétendu avoir découvert le remède miracle, et a fait naître un immense espoir, tout en tirant vanité de sa « découverte », vous l’aurez reconnu, il s’agit du professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU de Marseille à l’époque.
Aujourd’hui, 16 associations professionnelles lui reprochent d’avoir utilisé sa notoriété et les structures hospitalières pour mener un essai thérapeutique à grande échelle sans respecter les procédures habituelles en pareil cas, ni même demander d’autorisation pour mener à bien la procédure dans les formes. Ce ne sont pas moins de 30 000 patients qui ont été traités à l’aide de l’hydroxychloroquine, dont l’inefficacité a été démontrée ensuite. Il a donc outrepassé largement ses attributions, et mis en danger la santé des cobayes, du fait d’effets indésirables potentiels, au nom d’une vanité mal placée qui l’a conduit à surestimer ses intuitions. Grâce au prestige acquis dans le traitement de maladies exotiques, il a négligé la démarche scientifique et brûlé les étapes. Et les gens l’ont cru. Des files d’attente interminables se formaient pour aller se faire injecter l’équivalent d’un placebo, les risques en plus. Paradoxalement, ses déclarations ont même contribué à nourrir la défiance envers les vrais vaccins et alimenter des fables toutes plus saugrenues. C’est une illustration d’une habitude bien française qui consiste à demander leur avis à des personnalités dans des domaines clairement hors de leur champ de compétence.
Une dernière anecdote pour terminer. Il y a quelques semaines, une dame s’est adressée à nous dans le hall d’un cinéma pour nous mettre en garde contre le port du masque revêtu par précaution, dans un lieu propice aux contaminations. Elle se référait à des déclarations du Professeur Christian Péronne, spécialiste de la maladie de Lyme, mais qui ne semble pas avoir convaincu dans ses analyses portant sur le Covid 19, et controversé jusque dans sa spécialité. Voilà donc une dame, certainement animée des meilleures intentions du monde, qui se fait la propagandiste d’une théorie contestable visant à déconseiller globalement le port du masque, jusqu’à aider de parfaits inconnus en leur ouvrant les yeux sur les risques d’une insuffisance respiratoire due au masque chirurgical. On voit par-là que l’on peut être une sommité dans un domaine particulier, et oublier tous ses principes de démarche scientifique pour se laisser aller à la forfanterie et la gloriole, dont j’aurais pu croire qu’elle était l’apanage des politiques.