Cachez ces SDF !

La fondation Abbé Pierre a tiré la sonnette d’alarme en dénonçant le manque de transparence des procédures de transfert des sans-abri de la région parisienne vers des centres provinciaux sans véritable concertation avec les élus des régions concernées. Depuis la mi-mars, les préfets en région ont été priés d’organiser des « sas d’accueil temporaires régionaux » pour désengorger les centres d’hébergement franciliens. Que la région Ile-de-France soit saturée de demandes d’hébergement n’est pas douteux, elle concentre la moitié des places disponibles sur l’ensemble du territoire, mais le calendrier est aussi très éclairant.

C’est à l’approche de la coupe du monde de rugby et des épreuves des Jeux olympiques que l’urgence de faire place nette s’est fait sentir. Et l’on ne peut que constater cette précipitation soudaine pour rendre la capitale plus présentable aux yeux des touristes et des supporters qui viendront assister à ces évènements sportifs. N’en déplaise à Olivier Klein, ministre de la Ville et du Logement, dont le déni vaut aveu quand il déclare que : « personne ne prend prétexte d’un évènement sportif pour régler un problème humanitaire ». Ah ! bon ! dans ce cas, c’est bien imité. Il faut reconnaître qu’un autre élément est venu renforcer les difficultés. Les hôtels qui étaient réquisitionnés pour les hébergements d’urgence y trouvaient leur compte, en étant assez bien rémunérés pour leur prestation. Ils pourraient rapporter beaucoup plus en étant affectés à des hébergements touristiques, moyennant quelques travaux, qu’il faudrait réaliser rapidement. D’où l’urgence de trouver des solutions alternatives.

Un de ces « sas » est prévu à Bruz, près de Rennes. Petit problème, la municipalité a découvert cette éventualité en même temps que la presse. Le ministre a d’ailleurs reconnu qu’un tel dispositif devait être préparé, travaillé avec les élus, et, oserais-je le dire, les populations concernées. Sans compter que les premiers intéressés, les relogés, sont supposés venir volontairement dans les régions proposées, et que ce sera parfois difficile à faire comprendre, surtout pour ceux dont la destination finale n’est pas la France, comme on l’a vu avec les immigrés dans un passé récent. Il va falloir, encore une fois, persuader les personnes concernées qu’elles y trouveront un avantage, une amélioration de leurs conditions d’accueil, sous peine d’en voir certains quitter le bus en cours de route quand ils se rendent compte des incertitudes de leur situation. Il n’est d’ailleurs pas certain que la misère soit moins pénible au soleil, et que les difficultés d’insertion soient moindres en campagne ou en petites villes que dans la capitale, comme semblent le démontrer les violences qui ont conduit le maire de Saint-Brévin à la démission. Et que deviendront ces bénéficiaires de l’accueil temporaire après les JO ?