Au mauvais moment au mauvais endroit

Ce serait la définition même de l’accident, tel que celui qui a causé la mort de quatre personnes, dont trois jeunes policiers, à peine sortis de leur formation initiale. L’émotion soulevée par cet accident de la route à proximité de Roubaix est compréhensible, tant pour leurs familles que pour leurs collègues, mais rien ne permet de faire de ce fait divers un emblème de la situation dégradée de la police dans notre pays, au point de reprocher à l’opposition de ne pas suffisamment compatir à ce deuil, tandis que le ministre instrumentalise ce malheureux évènement, comme il en a désormais pris l’habitude.

Cet accident n’aurait pas fait parler autant sans ces circonstances particulières, de même que celui impliquant Pierre Palmade, dont on n’entend plus parler, d’ailleurs. De la même façon, les policiers tués n’ont apparemment fait que leur travail, et correctement, dans leur mission d’assistance à une personne en danger, en escortant une jeune-fille de 16 ans vers le CHU de Lille pour y recevoir des soins. Pas de quoi les qualifier de héros, ou alors de héros du quotidien, comme la plupart des fonctionnaires qui font consciencieusement leur métier. L’enquête confirmera probablement la responsabilité du conducteur du véhicule adverse qui a percuté la camionnette de police en roulant à vive allure et à contresens sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, dont il était connu pour leur utilisation. Autant il arrive que des policiers meurent dans l’exercice de leurs fonctions et du fait des risques inhérents à leur profession, autant on ne peut ici que déplorer la malchance et le concours de circonstances qui a occasionné leur décès.

On ne peut pas tout à fait en dire autant d’un autre fait divers, celui de l’agression au CHU de Reims d’une infirmière et d’une secrétaire médicale, au moyen d’une arme blanche. Un suspect de 59 ans a été interpelé peu après et il serait atteint de troubles sévères du comportement, soigné depuis plusieurs années et sous curatelle. Le mobile de cette agression pourrait être un ressentiment global envers le personnel hospitalier. Dans cette affaire, l’émoi officiel était nettement moins important jusqu’à ce qu’on apprenne ce matin que l’infirmière n’avait pas survécu à ses blessures. Il y a pourtant là matière à réflexion pour renforcer la sécurité du personnel soignant, par exemple dans les services d’urgence où l’on frôle souvent la catastrophe avec des patients alcoolisés devenant parfois très violents. C’est aussi le lieu de la grande misère de la psychiatrie, qui aboutit régulièrement à des drames, avec des passages à l’acte insuffisamment anticipés ou des décompensations brutales, qui nécessiteraient une révision totale des moyens alloués à cette spécialité. Il faut croire que le bénéfice électoral de ces questions est trop faible et aléatoire pour que nos dirigeants s’en saisissent.