Dignité outragée

C’est un classique, mais il marche à tous les coups. À peine le verdict tombé contre l’ancien Président de la République, qui confirme en appel la condamnation prononcée en première instance, comprenant une peine d’un an ferme dans l’affaire dite des écoutes, que Nicolas Sarkozy se drapait dans sa dignité outragée pour dénoncer le « combat politique » qui lui est fait de la part de « certains magistrats ». On peut compter sur lui et son bataillon d’avocats pour utiliser tous les recours juridiques possibles pour éviter ou au moins reporter l’exécution de la peine prononcée.

Et pour commencer, son avocate a d’ores et déjà annoncé son pourvoi en cassation, qui est supposé porter sur des vices de forme, que l’on peut trouver systématiquement dans toute procédure, mais ne revient pas sur le fond de l’affaire. Cela permet de gagner du temps, et même s’il est débouté de sa demande, il lui restera encore un recours, celui de la Cour européenne, bien qu’on ne voit pas spontanément quel manquement peut justifier cette manœuvre dilatoire. Mais, après tout, un ancien président a droit comme tout un chacun à une justice équitable, et ce ne sont pas les moyens financiers qui lui manquent. Rien ne devrait donc le freiner dans la mise en œuvre de sa défense et il n’aura pas besoin de l’aide juridictionnelle, réservée aux nécessiteux. En tout état de cause, s’il était condamné définitivement à un an de prison ferme, il n’irait pas en détention, mais devrait seulement porter un bracelet électronique et se soumettre aux obligations dues par tous les condamnés à cette peine aménagée, plus symbolique qu’un véritable emprisonnement.

C’est précisément le caractère infamant de cette condamnation, assortie d’une privation momentanée de ses droits civiques, qui doit ulcérer cet homme qui s’est cru et se croit encore au-dessus des lois, ce en quoi il n’est pas une exception. Un an pour un pacte de corruption avéré selon les magistrats qui l’ont condamné, ce n’est pourtant pas cher payé, et le pire est peut-être à venir. Le prochain épisode des démêlés judiciaires de Sarkozy devrait concerner le financement présumé illégal de sa campagne présidentielle en 2007, où on le soupçonne d’avoir reçu de l’argent du dictateur libyen Kadhafi, qu’il a ensuite reçu en grande pompe à Paris une fois élu. D’autres casseroles lui sont aussi attachées, comme l’affaire Bygmalion ou les cadeaux financiers de Liliane Bettencourt. Cela fait beaucoup, ce qui lui permet de dénoncer un supposé acharnement judiciaire contre sa personne. Ses relations avec l’institution judiciaire ne sont effectivement pas bonnes, lui qui, bien qu’avocat lui-même, traitait les juges de « petits pois » qui se ressemblent tous. Il doit savoir, en fin connaisseur de la vie politique que l’accumulation de ces « affaires » ne peut en réalité que le desservir, par contamination réciproque. Il peut s’estimer heureux d’avoir pu échapper si longtemps aux conséquences de ses actes.