Amende honorable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 18 avril 2023 10:52
- Écrit par Claude Séné
Françaises, Français, mes chers compatriotes. Ça a été dur, mais on y est arrivé. J’étais déterminé à me bagarrer jusqu’au dernier syndicaliste pour faire passer ma décision de presser le citron jusqu’à l’écorce et faire ramer les galériens aussi longtemps que possible. C’était d’autant plus méritoire qu’au fond, tout le monde savait très bien que cette réforme ou une autre, ça n’avait pas tellement d’importance pour moi, c’était juste un symbole pour montrer sans ambiguïté possible qui est le patron. Je crois que maintenant, tout le monde a bien compris. Bon, je regrette un peu d’avoir abandonné les 65 ans sans combattre, d’avoir lâché trop vite.
C’était l’époque où les Républicains devaient voter pour moi sans états d’âme, soi-disant. On me disait qu’il suffisait de leur donner un os à ronger, que ça passerait comme une lettre à la poste. Mais la poste, je suis bien placé pour le savoir, ça ne fonctionne plus, et c’est en partie grâce à moi. Si c’était pour mettre la moitié des Français dans la rue à me seriner qu’ils sont là, comme si je ne le voyais pas, j’aurais mieux fait d’écouter Édouard Philippe, et mettre 70 ans directement. Ça aurait fait un compte rond, et le 49.3 aurait marché tout aussi bien. Finalement, de Gaulle avait raison. Les Français sont des veaux. Ah ! pour défiler dans la rue en braillant des slogans, là, y a du monde. Mais pour passer à une véritable insurrection populaire comme autrefois, il n’y a plus personne, ou presque. C’était pourtant évident. Quelques barricades dans le Quartier latin, et l’affaire aurait été bouclée. On envoie la police, la gendarmerie, la BAC, la BRI, les CRS, la BRAVM, l’armée s’il le faut, on fait peur aux bourgeois et au populo, et on rafle la mise en une semaine, au lieu de traîner ce boulet pendant des mois.
Je ne suis pas d’une nature à me plaindre, comme vous le savez, mais quand même. Mettez-vous à ma place. Non, pas maintenant, c’est une image. Qu’est-ce que je vais pouvoir faire pendant les quatre années qui me restent ? Sans majorité. Sans gouvernement, enfin si, mais c’est tout comme. On m’a suggéré de dissoudre l’Assemblée. C’est suicidaire. De changer de Premier ministre. C’est inutile, c’est moi qui fais tout le travail. D’organiser un référendum. Mouais, le résultat est prévisible : quelle que soit la question, ce sera non. De démissionner. Vous rêvez, là, ou quoi ? J’ai donc pris la décision de me donner 3 mois de vacances, 100 jours précisément, pour réfléchir, faire le point, préparer ma reconversion. Je suis jeune, il est vrai, et l’exemple de Valéry Giscard d’Estaing mérite d’être médité, lui qui aurait pu dire à l’instar de Woody Allen : « l’éternité, c’est long, surtout vers la fin ».
Mes chers compatriotes, je vous remercie de votre attention.