Mauvaises fréquentations
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 17 avril 2023 10:39
- Écrit par Claude Séné
Les amis de nos amis ne sont pas nécessairement nos amis et l’inverse est également valable. C’est pour cette raison qu’on ne peut être que déçu de la position prise par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, plus connu sous le diminutif de Lula. Au cours de sa visite au dirigeant chinois Xi Jiping, il a défendu l’idée d’un plan de paix en Ukraine qui revient à renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé, en accusant les États-Unis d’encourager le conflit en fournissant des armes aux Ukrainiens. Formellement et factuellement, c’est exact.
Si les Occidentaux n’avaient pas fourni les moyens de se défendre au peuple ukrainien, leur pays aurait été purement et simplement envahi et occupé par Vladimir Poutine. Si l’on considère que la paix doit être instaurée à n’importe quel prix, y compris sacrifier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à se doter des institutions et des dirigeants qu’ils se choisissent librement, alors Lula a raison et la communauté internationale doit entériner les conquêtes militaires des pays les plus forts sur les plus faibles. De même, il considère comme légitimes des concessions territoriales, comme l’abandon définitif de la Crimée et une partie du Donbass, pour acheter une cessation des hostilités sur les bases de l’avancée militaire russe en territoire ukrainien. Il est clair qu’une telle « paix » serait illusoire et provisoire, un peu à la manière d’une « paix romaine », imposée aux peuples, dans laquelle la raison du plus fort est toujours la meilleure. Ce qui est en jeu en réalité, c’est bien la reconstitution de la grande Russie, comme tous les grands empires du passé. Conclure une paix dans le déséquilibre, c’est être assuré de son échec à plus ou moins long terme.
Une position brésilienne de cette nature ne m’aurait pas étonné de la part de l’ancien président Jaïr Bolsonaro, allié objectif d’une internationale des autocrates, dont le prototype était Donald Trump, qui aspire d’ailleurs à le redevenir. J’attendais plus de lucidité de la part d’un Lula, supposé progressiste, dont la boussole antiaméricaine semble l’avoir égaré. Ou bien peut-être faut-il y voir l’héritage d’une « realpolitik » liée à l’interdépendance économique entre Russie et Brésil. Sans les engrais russes, l’agriculture brésilienne serait en grande difficulté. Et ce ne sont pas les Européens qui pourront lui jeter la première pierre quand le Brésil refuse de fournir des munitions aux Ukrainiens pour alimenter les chars allemands qui commencent à être livrés. Les alliés de l’Ukraine ont en effet continué de commercer avec la Russie, réduisant ainsi la portée des sanctions économiques décidées en commun. L’Europe est comme un enfant, qui n’a pas mauvais fond, mais se laisserait influencer par de mauvaises fréquentations. On en paye aujourd’hui le prix avec une guerre « interminable » opposée à des plans de paix inacceptables par les intéressés.