Proverbes et dictons

Ils ont un gros avantage, celui de pouvoir tout vouloir dire et son contraire. C’est ainsi que l’on pourra juger de la supposée sagesse du Conseil constitutionnel. Sous prétexte qu’ils ont été nommés par des présidents d’opinions différentes, ils seraient supposés exprimer la sagesse des nations, qui se confondrait avec la sagesse populaire. La preuve de leur impartialité résiderait dans la nature contradictoire des reproches qui lui sont adressés. Les uns, en ne censurant pas le cœur de la réforme, les autres en « retoquant » les rares dispositions destinées à faire passer (un peu) la pilule en masquant son goût amer.

Le Conseil constitutionnel illustre ainsi l’adage qui veut que « les conseilleurs ne soient pas les payeurs ». Il manque aussi une occasion historique de démontrer son indépendance vis-à-vis du pouvoir, tout en lui sauvant la mise en lui offrant une porte de sortie honorable dans une crise qui parait de plus en plus sans issue. On avait promis aux Français un cigare et une surprise, et ils n’auront finalement ni l’un ni l’autre, car la surprise, c’est qu’il n’y a pas eu de surprise. Ni de cigare, mais ça, on s’en fout un peu. Une chose est sûre, c’est que le président a masqué soigneusement son impatience d’obtenir enfin le feu vert des supposés « sages », au point d’aller promulguer la loi en pleine nuit, toutes affaires cessantes, comme s’il avait peur qu’ils changent d’avis, ou que lui-même finisse par se rendre à la raison en renonçant finalement à un projet rejeté par les deux tiers des Français, et presque tous les actifs. Si certains dirigeants ont pu croire sincèrement qu’ils prenaient des décisions dictées par l’intérêt général, Emmanuel Macron est en train d’inventer un nouveau concept : il veut faire le malheur des Français malgré eux.

La boursouflure de son ego est telle qu’elle lui bouche la vue et lui ferme les oreilles devant un rejet massif, au début de ses projets technocratiques, et désormais de plus en plus de sa personne même. Il est convaincu de sa capacité à clouer le bec à tout opposant, à défaut de pouvoir le persuader de la justesse de ses analyses. Il applique sans la moindre vergogne sa politique d’être impitoyable avec les plus faibles et les plus démunis, tout en étant indulgent avec les puissants, ce qui est logique pour un clientéliste soucieux de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont porté au pouvoir. La contrepartie de son entêtement c’est une impopularité grandissante, à laquelle il feint d’être indifférent, qui l’empêche de faire le moindre déplacement, y compris à l’étranger, sans s’exposer au risque d’être copieusement hué et conspué. Sa précipitation masque mal une fébrilité et une impatience de pouvoir enfin passer à autre chose. C’est pourtant lui qui a les clés du camion. Il lui suffit de bloquer les décrets d’application.