Violence légitime
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 24 mars 2023 10:36
- Écrit par Claude Séné
Vous connaissiez l’obscure clarté qui tombe des étoiles, utilisée par Pierre Corneille dans la fameuse tirade de don Rodrigue dans Le Cid, comme l’exemple type d’un « oxymore », cette figure de style qui consiste à rapprocher deux termes qui sont habituellement contradictoires. Il va désormais falloir y associer la formule de la « violence légitime » qui a été inventée, apparemment, pour ne pas utiliser le mot de violence policière, devenu un tabou absolu. Je l’ai entendue dans la bouche d’un syndicaliste policier, un membre des CRS, fréquemment mis en cause dans des incidents avec des manifestants.
Selon lui, il y aurait deux sortes de violences, celles qui sont légitimes, car exercées par des personnes habilitées et dans un but de maintien de l’ordre public, et les violences illégitimes, du fait des « casseurs » en général, qui visent à perturber le fonctionnement des institutions, ou bien, dans de rares cas, par des personnes détentrices de l’autorité, mais qui, par fatigue, ou dans le feu de l’action, se laisseraient aller à des faits répréhensibles dont ils devront répondre. Le raisonnement serait impeccable, s’il n’était entaché dès l’origine d’un biais. Quand la police se trouve confrontée à un rassemblement sur la voie publique, et que ses ordres lui demandent de faire évacuer la place, elle est tenue de faire des sommations, dans lesquelles il est clairement indiqué aux manifestants que, s’ils ne se dispersent pas d’eux-mêmes, la police fera usage de la force. De la force, et non pas de la violence, ce qui est plus qu’une nuance. De la même façon, l’expression « force doit rester à la loi » n’implique pas nécessairement un usage violent de moyens coercitifs.
Le ministre de l’Intérieur a pris grand soin de braquer les projecteurs sur les victimes des échauffourées dans les rangs policiers, 149 uniquement à Paris, pour tenter de faire oublier des séquences dévastatrices filmées et diffusées sur les réseaux sociaux où des policiers matraquent ou frappent à mains nues des manifestants. Plus encore que le pourrissement, espéré par le pouvoir en place, le ministre joue sur l’envenimement d’une situation qu’il a contribué à créer. Il espère un retournement de l’opinion, qui se détournerait des opposants à la réforme, assimilés à « des casseurs qui veulent tuer des policiers ». Quand le nouveau préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a pris ses fonctions, il s’est démarqué de son prédécesseur, de sinistre mémoire, Didier Lallement, en tenant ses troupes. Et les manifs, de l’avis général, se sont passées dans le calme. Apparemment, les consignes ont changé, et à mon avis, les ordres viennent de très haut. Le résultat en est visible. La pratique des « nasses », l’usage des lanceurs de balles dites de défense et la remise au goût du jour des brigades motorisées, héritières des fameux voltigeurs ayant provoqué la mort de Malik Oussekine en 1986, sont autant de signaux d’alerte.