Apocalypse, no !

Mais quelle mouche, ou quelle araignée a donc piqué Olivier Véran à l’issue du Conseil des ministres dont il était chargé de faire le compte-rendu mercredi dernier ? Cédant à une pulsion littéraire et voulant marcher dans les pas d’illustres prédécesseurs, le voilà qui développe un argumentaire contre la contestation populaire de la réforme des retraites sous la forme d’une anaphore digne de François Hollande (moi, président). À l’entendre, « mettre la France à l’arrêt » comme le souhaitent les syndicats et la majorité des Français, entraînerait des catastrophes sur tous les plans, qu’il s’est mis en devoir de décrire dans les moindres détails.

Les grévistes seraient donc responsables de tous nos malheurs, à commencer par la sécheresse. À cause d’eux, nous encourons « le risque d’une catastrophe écologique, agricole, sanitaire, voire humaine ». Ils seraient également responsables de la dégradation de la santé de nos enfants et de possibles accidents ferroviaires. En l’occurrence, si quelque chose ou quelqu’un déraille dans le pays, c’est bien le porte-parole du gouvernement, qui ne peut pas invoquer un dérapage verbal non contrôlé, son discours ayant été écrit, et chaque mot, on l’imagine, soigneusement pesé. Faut-il que le pouvoir soit aux abois pour en arriver à prédire l’apocalypse, c’est-à-dire la fin du monde, si l’on ne se plie pas aveuglément à ses moindres caprices ? Cette énumération de malheurs serait tout simplement grotesque si elle ne recouvrait pas un profond mépris de l’opinion publique quand elle ne va pas dans le sens du chef. En réalité, si le président s’arque boute sur cette réforme inutile, injuste et impopulaire, c’est par peur de voir revenir une contestation plus globale et un mécontentement profond, alimenté par une inflation qui frappe les plus pauvres et un renchérissement massif du coût de la vie.

Olivier Véran a cependant oublié de citer les dix plaies que le Dieu de l’Ancien Testament a infligées à l’Égypte et à Pharaon pour l’obliger à laisser le peuple juif, guidé par Moïse, regagner la terre promise. Ou peut-être, maltraitant la Bible comme le peuple français, met-il son patron, Emmanuel Macron, à la place du guide qui ouvrira les eaux de la contestation sociale pour faire traverser ses partisans à pied sec. En butte aux railleries fusant de toutes parts, y compris de la CFDT habituellement plus conciliante, le ministre a tenté maladroitement de se justifier, faisant plus de mal que de bien, tout en devant concéder que le gouvernement était en désaccord avec le peuple. Si son attitude déraisonnable est due à la piqure d’une tarentule ayant entraîné sa folie, peut-on rappeler à cet ancien médecin que la danse de Tarente, la tarentelle, était réputée guérir de cette affection. Vous chantiez les louanges du gouvernement ? J’en suis fort aise. Eh bien, dansez maintenant.