Féminicides : l’omerta
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 21 décembre 2022 10:58
- Écrit par Claude Séné
Il aura fallu près d’une semaine pour que l’affaire du refus de plainte dans un commissariat à Blois soit enfin médiatisée à sa juste valeur. Les premiers sujets traités dans les journaux télévisés présentaient les circonstances avec un luxe de précautions pour éviter de charger les policiers, et utilisaient le conditionnel pour évoquer des dysfonctionnements éventuels. Les faits sont malheureusement très clairs et les fautes accablantes. La jeune femme qui a voulu déposer plainte contre son ex-compagnon a vu sa demande refusée et a été priée de revenir le lendemain. Elle n’a pas eu l’occasion de le faire, car elle a été agressée en rentrant chez elle.
Devant la montée du scandale, l’administration a fini par prendre des mesures : la suspension du fonctionnaire mis en cause a été prononcée à titre conservatoire et la police des polices, l’IGPN, a été saisie pour faire la lumière sur les faits, déjà très évidents. La jeune femme avait pourtant rassemblé des éléments de preuve pour dénoncer les faits de violence et de harcèlement dont elle était victime, démontrant ainsi sa volonté de déposer une plainte en bonne et due forme le jour même. C’est donc une faute professionnelle de ne pas l’avoir enregistrée comme l’y oblige la loi qu’il est censé défendre. S’il avait pris la peine de vérifier les antécédents du compagnon, il aurait vu qu’il était déjà connu pour des faits similaires, et aurait pu au minimum faire raccompagner la plaignante chez elle. Une présence policière aurait pu avoir un effet dissuasif sur l’agresseur. Un syndicat de police a esquissé une défense basée sur la charge de travail. Ce que l’on peut entendre dans la mesure où l’exemple de l’Espagne, souvent brandi, montre qu’une volonté politique, assortie de moyens conséquents peut faire baisser drastiquement le nombre d’agressions « conjugales » au sens large.
Le problème devrait être pris à bras-le-corps, puisqu’il est, parait-il, une priorité présidentielle. On attend toujours le budget dédié spécialement à la question, de l’ordre du milliard d’euros, qui permettrait la dotation en téléphones d’urgence, et la mise en place de brigades spécialisées composées de personnel spécialement formé, capable de prendre en charge les demandes. J’ai entendu d’éminents spécialistes autoproclamés affirmer sur les plateaux de télévision qu’il ne suffirait pas de mettre de l’argent, il fallait également un changement de mentalité. Je crains fort que cet argument, servi à toutes les sauces, que ce soit pour les difficultés des quartiers sensibles, l’école ou l’hôpital, ne serve de cache-misère et de prétexte pour ne rien faire. Si, comme le prétendent ces bons apôtres, il faut du temps pour faire avancer toutes ces questions, c’est une raison de plus pour ne plus attendre et engager les actions nécessaires dès maintenant. Cette affaire, dont on espère qu’elle se finira par le rétablissement de la victime, maintenue en coma artificiel pour le moment, est exemplaire du fonctionnement de notre société, où les urgences sociétales sont toujours remises au lendemain.
Commentaires