La voix de son maître

S’il est une chose que l’on ne peut pas reprocher à Alexander Makogonov, le porte-parole de l’ambassade de Russie en France, c’est de se défiler quand la situation devient embarrassante et qu’il doit justifier l’injustifiable. On a l’impression qu’il en fait un jeu, un défi, et qu’il s’amuse du mauvais tour qu’il fait à la vérité historique en prenant l’exact contrepied de ce qu’il sait être la réalité pour la retourner à ce qu’il imagine être son avantage, ou celui de son maître sur lequel il prend exemple, le Tsar en personne.  

Ce brave Alexander a pour lui un abord avenant, souriant de ses propres turpitudes, et comme beaucoup de Russes, il parle un français impeccable, teinté d’un léger accent. C’est ce que les médias appellent « un bon client », capable d’écouter sans broncher les journalistes lui reprocher les crimes commis par son pays, et soutenir les mensonges les plus éhontés pour justifier la politique de son chef suprême contre vents et marées. Il était l’invité principal mardi dernier de BFMTV pour répondre aux questions des journalistes sur la situation en Ukraine. Il nous a donc expliqué benoîtement que c’était Zelenski l’agresseur, et que la Russie n’avait fait que se défendre et soutenir le juste soulèvement des républiques russophones, opprimées par le pouvoir central, qui réclament leur indépendance et le retour à la mère patrie. En prime, la Russie a voulu débarrasser le peuple frère ukrainien de ses dirigeants corrompus et nazis, mais, là, bizarrement, Alexander Makogonov fait l’impasse sur les difficultés de l’armée russe à « libérer » la capitale, Kiev, et les principales villes du pays. De la même façon, il minimise les frappes de drones ukrainiens au cœur de la Russie, se contentant de promettre des représailles, dont nous savons qu’elles ciblent essentiellement les populations civiles, au mépris des lois internationales.

Ce festival de « contre-vérités » a été complété par le Tsar en personne, qui a dû reconnaître que le conflit, en clair, la guerre, était long, mais a également relativisé l’éventuel recours à l’arme nucléaire, qui ne serait utilisée que d’une manière « défensive », en représailles d’une frappe ennemie. Une menace voilée permettant d’évoquer le pouvoir de nuisance russe tout en se posant en nation responsable. « Nous ne sommes pas fous », affirme Vladimir Poutine, ce qui étonnamment ne me rassure pas, tant cet homme ment comme il respire. En tout cas, le Tsar et son porte-parole en France semblent avoir été fabriqués dans le même moule, celui des propagandistes, que l’on a pu voir également à l’œuvre aux États-Unis avec le cousin Donald, adepte des vérités alternatives, tout en dénonçant les « fake news », celles des autres, bien entendu. Pas étonnant que ces autocrates s’apprécient et se reconnaissent entre eux.