Où l’on reparle de homards
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 5 décembre 2022 10:55
- Écrit par Claude Séné
Il y a seulement trois ans, le homard et le champagne servis aux diners fastueux offerts par le président de l’Assemblée nationale de l’époque avec l’argent des contribuables, avaient coûté son poste à François de Rugy, devenu entre-temps ministre de la Transition écologique. Était-il donc nécessaire de sacrifier 200 de ces crustacés prestigieux, accompagnés de louches de caviar, sur l’autel de l’amitié franco-américaine, réaffirmée à grands coups de trompes pour masquer une réalité conflictuelle dominée par les États-Unis ? Le président français a dénoncé, pour le principe, une politique de protectionnisme américain et s’est heurté à l’intransigeance de son homologue, qui use et abuse de sa position dominante.
Pendant ce temps, les premières dames, Fanfreluche et Falbala, affichaient une entente cordiale sur les pièces jaunes et autres sujets dévolus aux « femmes de ». Comme on l’aura compris, l’essentiel de cette visite d’état consistait à démontrer que les dirigeants de nos deux pays étaient unis, malgré les divergences. Mais Emmanuel Macron avait plus à y gagner que Joe Biden. Il voulait à tout prix imposer l’image subliminale d’une égalité entre les deux chefs d’État en introduisant une familiarité factice par une main complice et protectrice dans le dos du président américain. Il a aussi voulu se donner le beau rôle en indiquant qu’il comptait reprendre contact avec Vladimir Poutine à son retour de Washington, comme s’il jouait les intermédiaires, voire un peu plus, et se présentait en faiseur de paix entre la Russie et l’Ukraine. Et c’est là que les choses se gâtent. Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, Emmanuel Macron n’a pas cessé de donner des gages à Poutine. On se souvient de sa formule : « éviter d’humilier la Russie », alors que c’est quand même l’agresseur. Il en a remis une couche en proposant d’offrir des garanties pour assurer la sécurité de la Russie.
C’est un peu fort de café. Cela valide l’argumentaire de Poutine qui se pose en victime potentielle d’une menace de l’OTAN, et justifie son annexion de la Crimée et des républiques sécessionnistes du Donbass par l’attitude des Occidentaux. Les Ukrainiens sont évidemment vent debout contre cette position française, qui pourrait les priver d’une victoire militaire qui se précise de plus en plus. Emmanuel Macron se rêve en stratège et voudrait bien prendre la tête d’une coalition visant à forcer le président Zelensky à négocier, quitte à sacrifier des territoires nationaux comme la Crimée, par exemple, en échange d’une paix qui serait remise en cause par les Russes à la première occasion, à supposer qu’ils l’acceptent. Vladimir Poutine ne connait à l’évidence que le rapport de force et c’est lui donner gratuitement un coup de main que d’affaiblir son propre camp. L’Ukraine a le droit en sa faveur. Il lui appartient de négocier quand elle le jugera utile et possible.