Pour qui la honte ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 13 novembre 2022 09:25
- Écrit par L'invitée du dimanche
Tout individu ayant un minimum de conscience morale, a connu ou connaîtra ce sentiment d’abaissement, d’humiliation, d’atteinte à la dignité et à l’honneur.
Soit en tant qu’acteur, pour avoir commis une action indigne de soi, avoir été en défaut par rapport à des règles sociales, et n’avoir pas été à la hauteur de la situation. Ressenti aussi quand autrui est témoin de nos insuffisances, ce qui nous rabaisse sous le regard des autres !
C’est une émotion destructrice, car elle affaiblit l’estime de soi, pouvant laisser une blessure grave, et conduire à des comportements autodestructeurs.
« La honte est honte de soi devant autrui » l’être et le néant, Jean-Paul Sartre.
La honte est trop souvent ressentie par la victime, dans des situations de harcèlement, de viol, toutes actions qui humilient et rabaissent, et laissent une flétrissure souvent inguérissable, en même temps que cette émotion repose sur un sentiment de culpabilité ! J’ai sûrement fait quelque chose qui méritait que je devienne victime !
« La honte n’est pas toujours la conscience du mal que nous faisons, elle est souvent conscience du mal qu’on nous fait » Paul Morand.
On sait que la parole est libératrice, le mouvement « me too » nous en apporte la preuve.
C’est l’agresseur qui devrait être couvert de honte, mais il est souvent insensible au déshonneur.
Il y a des hontes politiques, dont l’aveu, la réparation, est du ressort des gouvernants, et qui sont l’objet de transmission générationnelle.
Le ralliement de Pétain à Vichy, est une humiliation qui hante nos mémoires, le peuple allemand supporte encore la honte du nazisme et de l’antisémitisme… chaque citoyen est comptable des actes passés ou actuels qui couvrent la nation de honte, comme la colonisation par exemple… mais aussi, actuellement dans le laxisme du gouvernement face aux actes d’accusation de violence sexuelle ou aux dérives financières de certains ses représentants, ou dans le traitement de l’iniquité sociale et la protection des riches.
Que je le veuille ou non, puisque je suis française, je porte toute cette honte avec moi.
Samedi matin, rond-point Auchan, Nantes route de Vannes, un homme encore jeune, grand, plutôt soigné, arbore un carton qui m’a frappé en plein cœur : « j’ai honte, mais j’ai faim » !
Mendiant, sûrement (on emploie plus ce terme, on n’est pas dans le tiers monde quand même), SDF sans doute, les deux petits chiens couchés à ses pieds en étaient l’emblème indiscutable.
Le flot de la circulation ne m’a pas permis de m’arrêter pour lui parler, pour entamer avec lui un échange même futile, mais preuve que je l’avais « vu », j’ai donné deux euros… par réflexe, par habitude, sans réfléchir, que je pouvais donner beaucoup plus sans que ça atteigne ma sécurité. Cet événement mineur, banal, a hanté toute ma journée. J’aurais voulu lui dire que la honte elle était pour moi, représentante d’un État incapable de protéger ses 300 000 SDF, qui se retrouvent là pour des raisons multiples, mais rarement par choix, certains ont un travail, mais des ressources salariales insuffisantes, et plus de 40 % ne profitent pas des prestations sociales (trop jeunes, pas d’adresse).
« Gouverner, c’est d’abord loger son peuple » abbé Pierre…
Puisse la honte couvrir ceux qui le font si mal.
L’invitée du dimanche