Mauvais genre
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 9 novembre 2022 11:22
- Écrit par Claude Séné
Il n’est pas établi que la ministre Agnès Pannier-Runacher, chargée de la transition énergétique, ait enfreint la règle de déclaration d’intérêts en omettant sciemment et volontairement de mentionner le montage financier permettant de transférer à ses enfants mineurs une partie de la fortune de son père, mais de sérieux doutes sont apparus après l’enquête du magazine d’investigation Disclose. Sur le plan légal, la ministre s’accroche à la lettre de la règle, qui n’impose pas de faire mention des intérêts des enfants mineurs, mais moralement, l’existence même de la société Arjunem, fondée en 2016, qui appartient désormais en totalité aux petits enfants âgés de 13, 10 et 5 ans à l’époque, ainsi qu’un cousin, pour une somme coquette de plus d’un million d’euros, pose problème.
Ce qui tombe plutôt mal, c’est que les fonds spéculatifs apportés par la donation du père de la ministre pour échapper aux droits de succession sont en grande partie, sinon en totalité, issus de l’industrie pétrolière, où Jean-Michel Runacher a fait fortune, et ont transité par des paradis fiscaux tels que Guernesey, Hong Kong ou le Delaware. Même si la ministre ne touche pas un centime sur les profits éventuels générés par la société appartenant à ses enfants, elle sera en position délicate pour prendre des décisions qui concerneraient les groupes pétroliers, alors que c’est précisément une de ses missions principales au sein du gouvernement. L’association Anticor estime que la ministre est dans une situation de conflit d’intérêts et elle a saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP) qui va donc diligenter une enquête à ce sujet. D’ores et déjà, la HATVP semble pointer le manque de prévoyance dans ces déclarations a minima de la ministre qui aurait pu, au moins par précaution, mentionner ce montage financier dans lequel elle a eu nécessairement un rôle, ne serait-ce que pour signer en lieu et place de ses enfants.
Au cours de la séance de questions au gouvernement, Agnès Pannier-Runacher est apparue bien seule, même si elle a maintenu sa position en rejetant tout manquement à la procédure. La Première ministre a quant à elle évité soigneusement de se prononcer, et les collègues de la ministre ont fait le service minimum quand ils ne pouvaient pas garder un silence prudent, comme Christophe Béchu, ministre chargé de la transition écologique, invité pour d’autres sujets dans les médias. Pour éviter les conflits d’intérêts, il faut parfois renoncer à certaines fonctions. On voit mal comment les enfants de la ministre pourraient se désengager de tout lien avec les sociétés pétrolières et les « optimisations fiscales » qui en découlent. Par contre, rien n’empêche Agnès Pannier-Runacher de démissionner pour être en règle avec sa conscience, dont on dit qu’elle fait grand cas.
Commentaires