Jubilons !

Priorité au direct ! Les chaînes généralistes françaises ont cassé leur antenne hier midi pour diffuser les images de la parade destinée à honorer les 70 ans de règne de la reine d’Angleterre, son jubilé de platine, dans une cérémonie interminable où la principale intéressée était bien incapable, vu son grand âge, de se tenir, sur la durée. C’est le Petit Prince, Louis, qui résumait le mieux la situation en bâillant à fendre l’âme du haut du royal balcon, mais le protocole est le protocole, et la reine fait preuve d’un sens du devoir à toute épreuve. Bon, là, on lui en a peut-être demandé beaucoup, voire trop.

Piétiner sur un balcon à l’âge respectable de 96 ans pour voir passer des militaires n’est sans doute pas un exercice de tout repos, et sa gracieuse majesté a dû renoncer à la messe solennelle qui se déroulera sans elle aujourd’hui. Et également sans moi, qui trouve qu’il a consacré malgré lui bien assez de temps comme ça à ces évènements. Je n’ai aucune intention de m’immiscer dans les royales affaires d’une monarchie qui ne me concerne nullement, bien que je reconnaisse sa longévité. Quand on observe attentivement l’héritier de la couronne, le prince Charles, on doit reconnaître qu’il n’incarne pas précisément l’idée que l’on se fait du prestige d’un roi d’Angleterre, et si la nature ne l’a pas doté de la solide constitution de sa royale mère, son règne pourrait être de très courte durée. Si le peuple britannique conserve du respect et même de l’affection pour Élisabeth II, l’épisode du mariage arrangé raté avec Lady Diana n’a pas contribué à donner du prestige à l’héritier de la Couronne ni à conquérir les cœurs des sujets de sa future majesté.

Nous autres, Français, qui avons coupé la tête de notre propre roi, sommes pourtant friands de monarchie, spécialement à l’usage des autres peuples qui perpétuent cette tradition. Les salons de coiffure sont remplis de ces magazines à sensations qui nous donnent régulièrement des nouvelles de ces familles, dont nous ne connaissons parfois aucun des représentants. Nous-mêmes, à défaut de véritables souverains, avons tendance à élire des monarques républicains qui compensent leur manque de sang royal par un sens aigu de leur propre importance, avec des fortunes diverses dans leur incarnation. On se souvient de François Mitterrand se rendant solennellement au Panthéon au lendemain de son élection en 1981 pour se recueillir sur les cendres des grands hommes, et de la pâle imitation d’Emmanuel Macron se mettant en scène au Louvre pour se parer des attributs présidentiels. Il en va des présidents comme des rois. Certains laisseront une trace inoubliable dans l’histoire, d’autres n’auront fait que passer. Question de circonstances, parfois, de caractère, le plus souvent.