Le magnifique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 7 septembre 2021 10:51
- Écrit par Claude Séné
« Il est pas passé l’plombier ! moi j’peux rien faire si le plombier est pas passé… moi j’fais pas l’électricité avant le sanitaire, comprenez-vous… » Je vous la fais courte. Cette scène culte pour moi et quelques autres de ma génération est extraite du film « Le magnifique » de Philippe de Broca où Belmondo incarnait un écrivain raté qui se vengeait de l’électricien Jean Lefebvre et de sa vie misérable en le massacrant sur une plage issue de son imagination. Nous évoquions cette scène avec un artisan trentenaire, qui souriait poliment, avant de nous apercevoir qu’il ne connaissait pas le film, et à peine l’acteur.
Évidemment, ça nous faisait bizarre, nous qui considérions Bébel comme faisant partie de la famille, avec ses copains de théâtre, comme Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Jean Rochefort, Bruno Crémer, Jean-Pierre Mocky, ou Françoise Fabian, la seule fille de la bande. J’ai repensé à cette anecdote en entendant les hommages unanimes, comme à l’accoutumée, qui ont salué la disparition de l’homme autant que de l’artiste durant toute la soirée. Si Jean-Paul Belmondo est pour moi, comme pour beaucoup, une évidence, un des derniers « monstres sacrés », j’ai été frappé de constater que le moteur de recherche de Google, édition française, le classait jusqu’à tard hier soir, très loin derrière la nouvelle de la mort de l’acteur principal de la série américaine « The Wire », Michael K. Williams, dont je ne doute pas du talent, bien que je ne l’ai pas vu jouer. Ce matin, la hiérarchie a été rétablie, ne serait-ce que grâce à l’annonce d’un hommage national prévu jeudi aux Invalides.
Tout le monde ou presque a son film favori de Jean-Paul Belmondo, soit dans la catégorie « guignolo », où Bébel s’en donnait à cœur joie en surenchérissant dans l’humour potache et en enchaînant les cascades, soit dans le genre « sérieux », où il a tourné avec les plus grands dans des films dits « d’auteur » tel qu’« à bout de souffle » de Godard. Sans méconnaître tous ces grands rôles, j’ai une tendresse particulière pour « L’incorrigible » toujours de Philippe de Broca, où l’acteur incarne un escroc flamboyant, capable de vendre le Mont-Saint-Michel à des touristes américains, et qui se fait passer pour un benêt, vivant chichement dans sa roulotte avec un faux oncle (Julien Guyomar, épique) pour duper l’assistante sociale (Geneviève Bujold, sous le charme). Il faut voir Belmondo tournant fiévreusement son béret entre ses mains pour simuler une fausse gêne et enchaîner avec aisance dans un costume du meilleur faiseur de Paris pour commander les mets les plus fins. C’est surtout cette autodérision que le public aimait tant chez lui, et il n’a pas de successeur.