Enveloppes

Vous allez me dire que je m’acharne sur le ministre de l’Éducation, et vous n’aurez peut-être pas tort. Mais ce n’est pas moi qui ai commencé. C’est bien Jean-Michel Blanquer qui a déclaré sur France 3, sans que le moindre début de preuve en soit apporté, que les ventes d’écran plat augmentaient au mois de septembre, au moment du versement de l’allocation de rentrée scolaire. Il insinue ainsi que des parents indélicats feraient les poches de leurs enfants pour leur profit personnel. Heureusement que le ministre est là pour dénoncer ces coupables pratiques, si elles existent. Et c’est bien là que ça se corse.

Non seulement cette idée, que le ministre a relevée du caniveau où elle aurait dû rester, n’est pas démontrée, mais des études sérieuses apportent la preuve du contraire. Ce ne sont pas les mois d’août et de septembre qui enregistrent des pics de vente de téléviseurs, ce sont au contraire des mois creux. Ce qui « booste » les ventes, ce sont les évènements sportifs, ou les fêtes de fin d’année. Mais le ministre n’en a cure, il préfère un bon gros mensonge « qui crève les yeux » à la réalité des faits. Et figurez-vous que la Caisse d’allocations familiales a réalisé une étude qui montre que les parents jouent le jeu dans 99 % des cas et achètent effectivement des fournitures scolaires avec l’argent versé, ou des vêtements pour 95 %. Mais même l’évidence ne suffit pas à convaincre le ministre, qui persiste et signe sur les écrans aussi plats que son encéphalogramme, tant sur le média Brut, que sur France Inter.

D’où lui vient cette frénésie anti-pauvre ? De l’initiative malheureuse de Perrine Goulet, députée de la Nièvre pour le Modem, un parti réduit à sa plus simple expression et qui tente désespérément d’exister, qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de proposer de remplacer l’allocation de rentrée scolaire par des bons d’achat, un peu à la manière des tickets restaurants. Une initiative bien dans l’esprit français, qui remplacerait un système simple en une usine à gaz dont notre administration a le secret sur lequel elle veille jalousement et dont elle a déposé le brevet. Une idée qui a semble-t-il séduit le ministre, dont les compétences en comptabilité ne me semblent pas supérieures à celles concernant les sciences de l’éducation, c’est-à-dire proches de zéro. Il doit se représenter le budget d’une famille modeste selon la vieille image d’Épinal : la ménagère qui répartit en début du mois la maigre paye du mari dans des enveloppes étiquetées soigneusement, épicerie, essence, etc., et qui doit laisser désespérément vide la pochette « cinéma, loisirs » sans parler bien sûr des vacances. Et un jour, la tentation est trop forte, elle prend l’enveloppe « rentrée » et va acheter son écran plat, parce qu’il n’y a pas de raison que la famille ne puisse pas regarder Fort Boyard sur un grand écran…

Ho ! Jean-Michel ! Réveille-toi ! On est en 2021 !