La faute à l’informatique

Il n’y a pas si longtemps, chaque fois qu’une administration, un service public ou même un simple commerce se trouvait dans l’incapacité de fournir le service qu’il était supposé rendre, le coupable était immédiatement désigné. Tous les maux de notre impuissance provenaient d’une origine commune, celle du passage à l’informatique, domaine réservé de quelques « happy few » considéré avec circonspection par les non-initiés. L’informatique a eu beau se généraliser et rentrer dans les aspects concrets de notre vie quotidienne, la tentation est toujours grande de lui faire porter le chapeau des erreurs humaines.

Il arrive effectivement qu’une machine, ou un ensemble d’ordinateurs soit victime de ce qu’il est convenu d’appeler un « bug », par allusion aux bestioles qui pouvaient ronger un câble électrique de liaison entre l’unité centrale et une de ses annexes, situées autrefois dans des pièces différentes, d’où leur nom de périphériques. Ces incidents sont généralement contrôlés et rapidement réglés. On a pu mesurer le degré de méconnaissance du ministre de l’Éducation nationale quand il a voulu se dédouaner du nouveau fiasco de l’enseignement à distance, incapable de s’adapter à une demande massive. Contrairement aux promesses gouvernementales, ni le site du Centre national de l’enseignement à distance ni les « environnements numériques de travail » dans chaque région n’étaient prêts à répondre à la forte demande de connexion pour réaliser l’objectif de l’école à la maison. Jean-Michel Blanquer a commencé par se réfugier derrière les conséquences de l’incendie qui a frappé les serveurs d’OVH à Strasbourg le mois dernier, alors qu’ils n’y sont évidemment pour rien, avant d’invoquer de mystérieuses « attaques informatiques » venues de l’étranger dans le but de nous nuire en saturant les infrastructures françaises. J’avoue que les bras m’en sont tombés. Les autorités russes ou chinoises auraient commandité des pirates pour nuire aux écoliers français ? À qui veut-on faire croire une telle fable ?

La réalité me semble beaucoup plus simple et triviale. Nul besoin de s’inventer une théorie du complot pour comprendre que les responsables de l’éducation nationale, à commencer par le ministre, n’ont tiré aucune leçon des embouteillages relevés l’an dernier à la même époque et n’ont pas suffisamment renforcé le dispositif pour absorber le surplus de circulation. Même Jean-Michel Blanquer pourrait comprendre qu’il s’agit d’un simple problème de robinet. Si le débit est limité et que l’on veut à toute force faire passer tout le monde en même temps, le système sature et se bloque, c’est le phénomène connu du bouchon et de l’embouteillage. Le gouvernement a eu un an pour s’équiper et renforcer le dispositif, mais il était trop occupé à se rengorger sur notre supposée supériorité qui permettait de ne pas fermer les écoles. On en voit les résultats.