La clémence d’Auguste
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 26 décembre 2020 10:14
- Écrit par Claude Séné
La fin de règne de Donald Trump me fait penser à cette pièce de Pierre Corneille, dont le titre évoque la supposée générosité d’un empereur romain à l’égard de sujets ayant comploté contre lui. Cet empereur s’appelle Auguste, ce qui tombe bien, étant donné que la dégaine invraisemblable du président battu américain suggère irrésistiblement celle du clown du même nom, partenaire du clown blanc au cirque. Après une période de bouderie et de contestation des résultats, Donald Trump s’est lancé dans une course effrénée pour gracier tous ses protégés ayant maille à partir avec la justice.
Et ça fait du monde. Plusieurs dizaines de malfaiteurs en col blanc, dont il espère vraisemblablement qu’ils lui seront utiles s’il réussit à rentrer par la fenêtre dans la vie publique américaine après en avoir été chassé par la porte, comme un malpropre. Il se garde bien, par contre, d’accorder la grâce présidentielle à la seule femme qui attend son exécution dans le couloir de la mort au Texas, car elle ne pourrait pas lui rendre le moindre service s’il la libérait, sans compter la colère de ses partisans qui défendent la vie des fœtus, mais condamnent à mort sans état d’âme. Comme les autres présidents américains, Donald Trump a épargné consciencieusement tous les ans une dinde promise à être rôtie pour Thanksgiving. Il a dû épuiser ainsi toutes ses réserves de charité chrétienne, et ses largesses actuelles ne sont à mettre que sur le compte de la défense de ses intérêts personnels. La seule bonne nouvelle dans cette affaire, c’est que cette précipitation indique bien que Donald Trump ne se fait pas d’illusions sur le succès de ses démarches pour invalider l’élection de son rival démocrate. Il mène encore un baroud « d’honneur », s’il lui en reste, ou s’il a déjà su ce que ce terme signifie, mais sans espoir de succès.
Ce privilège d’accorder une grâce, à l’origine conçu pour rectifier une erreur judiciaire, ou atténuer une sanction trop sévère, a cours aussi en France. Madame Sauvage, condamnée lourdement pour avoir tué son mari violent, a bénéficié d’une grâce partielle, à juste titre, me semble-t-il. Par contre, l’amnistie générale des contraventions routières, traditionnellement accordée au 14 juillet par le président nouvellement élu, a disparu des écrans radars, ce qui semble normal. On voit bien que Donald Trump s’efforce de détourner l’appareil de l’état à son profit, dans ce cas comme dans d’autres. Il rejoint ainsi la conclusion de la pièce de Corneille, où la décision de clémence d’Auguste n’est pas inspirée par une quelconque générosité ou une belle grandeur d’âme, mais bien par un calcul populiste. Il apparait ainsi comme magnanime, et il s’allie la reconnaissance forcée de ses protégés, lui qui jusque-là était considéré comme un tyran sanguinaire. L’histoire jugera Trump, et je l’espère, sévèrement.
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