OK boomer !

Ce qui fait sursauter Jean Viard, éminent sociologue devant l’éternel, qui intervient chaque dimanche sur France Info, c’est que des acteurs culturels aussi peu importants à ses yeux que Charles Berling s’émeuvent de la situation catastrophique de la culture pendant la pandémie, et du traitement totalement illisible de cette crise sanitaire, économique, et aussi morale par un gouvernement qui semble « diriger » un bateau ivre et se révéler incapable de tenir un cap. Moi, ce qui me fait sursauter, c’est que l’allégeance politique d’un intellectuel réputé l’aveugle au point de ne plus voir la réalité en face.

Sa première malhonnêteté intellectuelle consiste à opposer les tenants d’une réouverture des lieux culturels : cinémas, théâtres, musées, salles de concert, etc. aux malheureux soignants confrontés à la maladie et la mort, dont les théâtreux comme Berling se moqueraient éperdument. Il faut bien faire des choix, argumente-t-il, et peu lui chaut qu’aucune étude hexagonale n’ait été menée pour évaluer le degré de risque représenté par les différentes activités humaines en période d’épidémie. A-t-on plus ou moins de « chances » d’être contaminé si l’on prend les transports en commun ou si l’on va à la messe, par exemple ? Combien de vies épargnées pendant la fermeture des cinémas ? Les technocrates qui ont décidé que la culture était la variable d’ajustement privilégiée ont-ils des informations secrètes, ou travaillent-ils au doigt mouillé, comme on en a l’impression ? À moins qu’ils n’évaluent la situation à l’aune du pouvoir électoral des catégories lésées ? La culture ? Combien de divisions ?

Deuxième angle d’attaque, il n’y a pas d’autre mot, de quelle culture s’agit-il ? Qui va encore au théâtre de nos jours, dit-il en substance, sinon une minorité intello parisienne et bourgeoise, qui représente une fraction minoritaire de la société, tombée dans la potion magique à sa naissance ? Ce ne sont certainement pas les masses laborieuses, qui se contentent de la télé, même médiocre, ni la jeunesse, qui s’abreuve de réseaux sociaux et de séries sur Internet. De l’art et la manière de se ringardiser soi-même, pour un ancien soixante-huitard qui se flatte d’avoir participé aux bouleversements sociaux de cette époque. Et après ? Il n’est pas le seul à avoir cru au grand soir pour retomber de haut ensuite. Quand on voit ce que sont devenus la plupart des « baby-boomers », confortablement installés dans des rentes de situation, il n’y a pas de quoi pavoiser. Ils n’ont en tout cas pas de leçons de liberté intellectuelle à donner aux générations qui les ont suivis. Que Jean Viard se réjouisse du regain d’intérêt pour le livre à l’occasion du confinement ne doit pas faire oublier que la culture ne saurait se résumer à ce seul médium et que le spectacle encore vivant doit le rester.

Commentaires  

#1 jacotte 86 14-12-2020 11:29
je repense à ce slogan écrit sur un mur à Nantes... "la culture coute cher...essayez donc de vous en passer! " il y a toute une génération qui ne veut pas s'en passer et elle a raison même si ses choix culturels dérangent!
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