Un procès pour l’Histoire

C’est finalement aujourd’hui que va s’ouvrir le procès des attentats islamistes qui ont touché la rédaction de Charlie hebdo, une policière à Montrouge et les clients d’un hypercasher à Paris en janvier 2015. Les auteurs des attentats, Amédy Coulibaly et les frères Kouachi ont été abattus par la police et la gendarmerie. Ce sont donc les personnes suspectées de leur avoir fourni de l’aide qui comparaitront, à l’exception de la compagne de Coulibaly, toujours introuvable et probablement encore vivante en Syrie, et deux complices donnés pour morts dans ce même pays.

Plus de 5 ans après les faits, la rédaction de Charlie Hebdo persiste et signe en republiant les caricatures de Mahomet qui avaient déclenché la colère des musulmans intégristes, et il faut bien le reconnaitre, choqué une grande partie des croyants de la foi musulmane, qui fort heureusement se sont contentés de protester contre cette forme de sacrilège. Il se trouve qu’en France, et le président de la République l’a rappelé fort opportunément, le blasphème n’est pas interdit par la loi. Ce qui l’est, c’est de prétendre se faire justice soi-même et régler ses comptes à coups de kalachnikov. Les adeptes des différentes religions, s’ils s’estiment injustement attaqués à raison de leurs croyances, ont tout loisir de saisir les tribunaux, un droit qui s’applique aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants. C’est ce qui a conduit la plupart des institutions religieuses à condamner les attentats, sinon à soutenir les positions du journal satirique.

À l’époque, ces actes de barbarie ont soulevé une vive émotion et ont conduit spontanément des citoyens à se déclarer majoritairement et spontanément solidaires des victimes en reprenant le slogan : « je suis Charlie », symbole d’une mobilisation citoyenne massive. Une manifestation de soutien a réuni à l’époque plus de 4 millions de personnes, venues se réconforter mutuellement. Mais il faut noter que dès cette période-là, et malgré l’émotion suscitée par la violence aveugle des terroristes, des voix se sont fait entendre pour clamer « je ne suis pas Charlie ». Et c’est peut-être ce qui est le plus préoccupant dans une république laïque telle que la France d’aujourd’hui. Selon un sondage, 26 % des jeunes musulmans refuseraient de condamner l’attentat. Un pourcentage qui s’explique par le refus de reconnaitre la prééminence des lois de la république sur celles de la Charia, la loi religieuse, qui prévaut dans certains états islamiques. Un pays laïc ne peut pas accepter que ses lois ne soient pas appliquées par la population selon son appartenance religieuse. C’est ce qui fait sa force et son originalité dans un monde divisé par les communautarismes. On peut voir en ce moment le contre-exemple libanais dont les divisions sont en train de détruire progressivement le reste d’autorité de l’état.