Plan de table

Le service du protocole de l’Élysée a été obligé de résoudre une équation presque aussi difficile que la composition du gouvernement lui-même pour placer les ministres autour de l’immense table dressée pour le premier conseil du nouveau premier ministre, Jean Castex. La distance imposée entre les convives par les nouvelles règles sanitaires a amené à étendre démesurément le quadrilatère et ne permettait aucun aparté même avec ses voisins immédiats. Je me suis intéressé à la place dévolue à la toute nouvelle ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, place qui symbolise l’importance donnée à l’environnement par le chef de l’état.

Pour placer les invités, le chef du protocole n’a pas pu respecter la règle habituelle d’alterner les hommes et les femmes, pour une fois en supériorité numérique, avec 17 postes contre 14, si l’on excepte le président et le Premier ministre. Les observateurs attentifs de la politique déterminent la hiérarchie gouvernementale en fonction de l’ordre dans lequel sont annoncés les noms et les fonctions de chacun. À cette aune, l’écologie semble à l’honneur, Barbara Pompili suivant de près Jean-Yves Le Drian et occupant donc la 3e marche du podium après Jean Castex et le ministre des Affaires étrangères. La nouvelle ministre elle-même n’a semblé se faire aucune illusion pour autant sur ses marges de manœuvre et a évité de fanfaronner sur ses actions à venir dont elle sait bien qu’elles seront soumises à la bonne volonté présidentielle et aux impératifs économiques. Sur les photos officielles de ce premier conseil, on peinera à identifier l’écologiste de service, qui fait face à Emmanuel Macron et se retrouve donc de dos par rapport à l’objectif. On reconnait la calvitie du Premier ministre, son voisin de gauche, si l’on peut dire, mais les ministres en majesté encadrent Emmanuel Macron : Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Blanquer.

Bien que la table du banquet républicain soit parfaitement symétrique, on a l’impression que l’écologie est reléguée à la place du parent pauvre, ou bien qu’elle occupe celle du bouche-trou qui évite d’être treize à table, ou encore qu’étant réduite à la portion congrue, elle bénéficie du couvert supplémentaire réservé à la charité publique. Il faut dire que le débauchage de Nicolas Hulot était autrement prestigieux, et que sa notoriété n’a pas suffi à infléchir la position du président, très tiède sur la question. Barbara Pompili a déjà choisi, et depuis le début du quinquennat, d’abandonner l’espoir de changements en profondeur au profit de « petits pas » qui ne font pas vraiment avancer le schmilblick. Tant que le mouvement écologiste restera une sorte d’armée mexicaine comptant plus de dirigeants que de troupes, il se trouvera toujours une personne prête à faire passer ses ambitions personnelles avant la réussite des idées communes, ou à s’illusionner sur les « progrès » arrachés au libéralisme triomphant. On ne peut que lui souhaiter bonne chance, sans grand espoir.