Le bénéfice de l’âge

Voilà qui ne va pas réconcilier les Français, et en particulier les Marseillais, avec la politique. Alors que la liste du Printemps marseillais emmenée par Michèle Rubirola, du groupe écologiste EELV, est arrivée nettement en tête au 2e tour des municipales, elle pourrait se voir spoliée de sa victoire par les bizarreries du code électoral, exploitées par une droite qui ne veut pas lâcher le pouvoir après la retraite tant attendue de Jean Claude Gaudin.

Comme à Paris ou à Lyon, ce sont les conseillers municipaux d’arrondissement qui élisent le maire et les alliances peuvent inverser les résultats du vote populaire. Avec un cynisme aussi révoltant que suicidaire, la tête de liste LR, Martine Vassal, a fait ses comptes en direct au micro des médias : ses 39 voix auxquelles s’ajouteraient les 3 voix d’un dissident de droite égaleraient les 42 voix de la coalition de gauche, et c’est le doyen des candidats qui serait donné vainqueur. Étant plus jeune que sa rivale, Martine Vassal se retire donc au profit de son colistier de 75 ans, Guy Teissier. Et voilà comment l’âge du capitaine pourrait faire toute la différence. Oui, mais non ! ce serait trop simple au pays des galéjades où les sardines géantes bouchent l’accès au vieux port. Personne ne sait encore si Samia Ghali, la controversée sénatrice anciennement socialiste, fera pencher la balance en faveur de son ancienne famille. En cas d’abstention, les 9 voix du Rassemblement national font l’objet de convoitise d’une partie de la droite et de rejet d’une autre. Au point de susciter une nouvelle candidature chez LR, histoire d’obscurcir encore plus le paysage, ou de faire monter les enchères.

Car c’est bien ce qui ressort de cette bouillabaisse électorale, où les minoritaires négocient chèrement leur soutien, une image de cuisine peu ragoutante, alors que le moment est historique et que la page Gaudin pourrait être définitivement tournée, ce qui, en soi, est déjà un énorme progrès. Le renoncement de Martine Vassal n’est d’ailleurs pas motivé seulement par la tactique et l’arithmétique électorale. Les enquêtes en cours sur les soupçons de fraude aux procurations n’y sont probablement pas étrangères. Le système clientéliste mis en place par la droite marseillaise a montré ses limites et l’équipe qui prendra la suite devra s’attaquer aux problèmes mis sous le tapis depuis 25 ans et en particulier ceux liés aux taudis et aux logements insalubres qui ont entaché le dernier mandat avec le drame de la rue d’Aubagne. En attendant la relève, les tractations continuent et les Marseillais, résignés, attendent que les états-majors veuillent bien entériner le vote des courageux qui ont bravé le coronavirus pour se rendre aux urnes, certains en se pinçant le nez, je suppose, pour en finir avec un mauvais feuilleton, et espérer, enfin, une vie plus belle.