La fin et les moyens

Je déteste l’idée d’apporter de l’eau au moulin de deux fieffés coquins qui ont pris prétexte d’une faille dans le fonctionnement de la justice pour se faire passer pour des victimes innocentes dans leurs affaires respectives, toujours en cours. Il s’agit de l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, et celui qui fut son Premier ministre avant d’être candidat lui-même, François Fillon. Même si les mis en cause ont, semble-t-il, mérité cent fois les mésaventures judiciaires qui leur sont tombées dessus, sans compter celles que l’on ne connait pas et que l’on ne connaitra peut-être jamais.

Dans les deux cas, c’est le PNF, le parquet national financier, qui est accusé d’avoir usé de méthodes abusives. Dans l’affaire des écoutes présidentielles, le PNF a cherché, sans succès, à identifier la « taupe » qui renseignait l’Élysée en surveillant les conversations téléphoniques de divers avocats, qui s’en sont indignés, à juste titre. Dans le pénélopegate qui a entrainé la chute de François Fillon, c’est l’ancienne procureure du PNF, Éliane Houlette, qui a évoqué des « pressions » de sa hiérarchie pour accélérer le processus, auxquelles elle affirme pourtant n’avoir pas cédé. Cela suffit à réactiver une méfiance instinctive, fondée sur des décennies de fonctionnement sujet à caution d’une justice insuffisamment indépendante de l’exécutif. La loi Taubira a pourtant clarifié les choses en interdisant au Garde des Sceaux de donner des instructions sur des cas individuels. Le PNF a été créé à la même époque pour poursuivre la grande délinquance économique et financière, à la suite du scandale Jérôme Cahuzac. Supposons que le PNF ait commis une erreur de procédure en poursuivant l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, cela le rendrait-il moins coupable pour autant ? Certes non. Et pourtant les démarches judiciaires pourraient en être annulées.

C’est un peu ce à quoi nous assistons avec les dossiers Sarkozy et Fillon. Sur le fond des affaires, rien de nouveau. Les accusés clament leur innocence, mais aux yeux de l’opinion, la cause semble entendue. Et c’est sur ce front-là que se déroule la bataille, qui est moins judiciaire que médiatique. D’où l’instrumentalisation d’un débat légitime sur l’indépendance de la justice dans un pays démocratique tel que le nôtre. Au bon vieux temps du gaullisme triomphant, il existait un ministère de l’information auprès duquel le directeur de la défunte ORTF venait prendre ses consignes pour définir la ligne éditoriale. Cela nous semble impensable de nos jours. Peut-être qu’un ministère de la Justice est tout aussi anachronique, du moins dans sa forme actuelle. Il faudrait probablement rompre le cordon ombilical qui permet au pouvoir de nommer les magistrats du parquet, au lieu que cela vienne du Conseil Supérieur de la Magistrature, par exemple. Et qui se plaindrait d’une accélération des procédures de toutes les affaires, y compris quand elles touchent des politiques ?