Police : l’impossible débat

Le constat est sans appel et il est largement partagé : il existe un fossé entre la police et la population et il se creuse de plus en plus. Le ministre de l’Intérieur, sommé de faire étalage de fermeté après les manifestations mettant en cause le comportement des policiers sur le terrain, a tenté de calmer le jeu, mais il n’a la confiance ni des troupes policières qu’il est censé diriger, ni des citoyens qui ne lui accordent aucune crédibilité, ni même de sa hiérarchie d’où il est supposé tirer sa légitimité.

On peut le déplorer, mais les manifestants qui se sont rassemblés en France ces jours derniers en hommage à George Floyd ou pour demander justice pour Adama Traoré, scandent des slogans du type « tout le monde déteste la police », ou « all cops are bastards » et traitent les policiers noirs de « vendus » ou de traitres. Quand on entend Christian Jacob, des Républicains, affirmer qu’il n’existe pas de violence policière en France, on mesure l’ampleur du décalage avec la population, et notamment celle qui se fait contrôler à tous les coins de rue. Une pratique que justifie Damien Abad, son collègue de parti, par la nécessité de réprimer les auteurs d’actes délictueux. Et comment le policier saura-t-il que « l’individu » bronzé est un récidiviste tandis que le normal, blanc, n’a rien à se reprocher ?

La défense classique des syndicalistes policiers consiste à mettre en avant la possibilité pour les personnes se jugeant maltraitées de porter plainte. C’est un peu tard, mais admettons. L’IGPN a reçu 1460 plaintes en 2019, soit près d’un quart de plus qu’en 2018. Cependant, le nombre de sanctions disciplinaires a baissé. Cherchez l’erreur. Si la police veut laver son linge sale en famille, pourquoi pas. Mais c’est visiblement insuffisant. La nécessité d’une institution indépendante pour mener les enquêtes est une évidence et rendrait un peu de crédibilité aux policiers de terrain. L’augmentation des plaintes est attribuée aux manifestations des gilets jaunes, ce qui n’est pas impossible, mais ce qui compte, c’est de savoir si ces plaintes étaient ou non justifiées. Est-ce que le fait d’être un voleur de scooter justifie que le jeune Gabriel, âgé de 14 ans, ait été violemment tabassé par des policiers, comme il l’affirme et dont témoigne son œil gravement blessé au cours de son interpellation ? Dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres se pose la question de la proportionnalité de la riposte policière. Alors qu’il était menotté et immobilisé, Gabriel aurait subi des coups, parfaitement inutiles. Le meilleur service que l’on puisse rendre aux gendarmes et policiers, c’est d’encadrer strictement et faire respecter les procédures d’intervention, réduites au minimum nécessaire, en éliminant les pratiques risquées encore autorisées comme le plaquage ventral.