La guerre des nerfs

Ce que les Français redoutaient, l’officialisation de l’état épidémique sévère du pays, a donc été acté par la déclaration solennelle du président de la République, annonçant des mesures de confinement, de restrictions des libertés de circulation et de réunion, déjà anticipées ces jours derniers. Jusqu’à ce que la réalité s’impose aux yeux de tous, chacun voulait espérer que notre pays évite les mesures les plus drastiques, ce qui aurait signifié que le risque était moindre que prévu. Ce n’est pas le cas, et l’on ne peut que le constater.

Le report du 2e tour des élections municipales n’est que la conséquence logique de cette prise de conscience. Mais pas un mot de mea culpa du chef de l’état pour ne pas avoir anticipé cette situation et laissé se dérouler un scrutin qu’il savait ou aurait dû savoir tronqué à l’avance. Le président a préféré céder à son péché mignon qui consiste à faire retomber la responsabilité de ses erreurs sur les Français eux-mêmes comme on a déjà pu le voir dans la crise des gilets jaunes pour ne citer qu’elle. Cette fois-ci, il a accusé le peuple de causer sa propre perte en n’obéissant pas aux consignes et en se rendant dans les parcs. Si ceux-ci avaient été fermés sur ordre gouvernemental comme ils le sont désormais, les familles n’y seraient pas allées. Selon Emmanuel Macron, nous serions en guerre. Je ne suis pas sûr que le mot soit bien choisi. Surtout quand l’entourage du chef de l’état cite fautivement le Front populaire en parlant « d’esprit de jouissance », une expression utilisée en réalité par le Maréchal Pétain pour expliquer la défaite de 1940.

La dernière fois que la comparaison avec une guerre a été utilisée, c’est au moment du Bataclan et des attentats terroristes. Là du moins pouvait-on identifier un ennemi reconnu que l’on pouvait combattre. Rien de comparable avec un virus pouvant être véhiculé par ses proches. La porte ouverte à un rejet de l’autre, quel qu’il soit, et en particulier l’étranger, celui qui n’appartient pas à l’espace Schengen, ou à la France, ou à la région, et bientôt au quartier. Pain béni pour un Rassemblement national à l’affût. On comprend aisément pourquoi Emmanuel Macron a choisi la comparaison militaire. C’est d’abord parce que la discipline fait la force principale d’une armée, et que l’autorité du chef ne se discute pas, spécialement en temps de guerre. D’autant plus pratique quand on a besoin de redorer un blason fortement terni par une gestion partisane des affaires du pays. Reste à savoir si les Français comprendront les consignes. L’intendance a été confiée au ministre de l’Intérieur, dont la clarté est loin de constituer la qualité principale.