Non, mais halo, quoi

On ne va pas bouder son plaisir de constater une embellie sur le front du chômage. Jusqu’au Premier ministre, Édouard Philippe, que l’on peut pourtant considérer comme un ouvrier de la 25e heure en la matière, qui n’a pas hésité à afficher sa satisfaction devant la baisse du chômage dans laquelle son rôle n’apparait pourtant pas comme prépondérant. Déjà, il est assez difficile de déterminer dans quelle mesure l’action volontariste d’un gouvernement exerce une influence sur cette conjoncture. On se souvient de la course désespérée de François Hollande pour inverser la courbe du chômage.

Malheureusement pour lui, cette amélioration ne se produit que maintenant et ses efforts pour s’en attribuer le mérite risquent de ne pas être récompensés, tant il est vrai que l’histoire ne repasse pas les plats. Son retour, à part dans le domaine de l’édition, n’est pas plus vraisemblable que celui de Giscard, de Jospin, de Sarkozy et peut-être même Macron au train où vont les choses. L’état a dépensé des budgets importants pour soutenir l’économie, mais nul ne peut affirmer que c’est ce qui a fait baisser le chômage. On constate en effet que nos voisins européens bénéficient eux aussi de cette amélioration. Et même certains esprits chagrins font observer que le chômage a baissé plus vite et plus fort dans des pays concurrents et néanmoins amis tels que l’Allemagne, avec des contreparties de précarité peu enviables. À supposer que les mesures qualifiées de réformes sur le droit du travail, les retraites, l’indemnisation des chômeurs, etc. prises par le gouvernement actuel soient suivies d’effet, ce sont les générations à venir qui le constateront.

Officiellement, le taux de chômage est de 8,1 % au 4e trimestre 2019, selon les critères du BIT (bureau international du travail). C’est en effet un progrès, qu’il convient de relativiser dans la mesure où l’on ne comptabilise que des personnes indemnisées, et l’on sait combien l’administration est prompte à radier les chômeurs, à la fois pour économiser sur les indemnités et faire baisser les statistiques. C’est pourquoi l’Insee récence également les inactifs qui souhaitent un emploi, mais n’émargent pas à Pôle emploi, et qui constituent ce qu’on appelle un « halo autour du chômage ». Cela représenterait 1,7 million de personnes et serait en augmentation sur la période considérée. Si l’on veut absolument voir le verre à moitié plein, on considèrera que l’espoir généré par les annonces de baisse du chômage favorise le rapprochement des exclus du marché de l’emploi. Si l’on est plus réaliste, on s’inquiètera du manque d’adéquation entre l’offre et la demande qui tend à favoriser un taux de chômage incompressible, que les économistes baptisent « chômage frictionnel », un terme qui illustre bien les frictions de notre société, plus inégalitaire que jamais.