Souriez, vous êtes filmés
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 27 décembre 2019 10:41
- Écrit par Claude Séné
Grasse est connue pour être la capitale du parfum, mais l’actualité récente a braqué les projecteurs sur une autre spécificité locale, moins odorante, et moins glamour, sa concentration en caméras de vidéosurveillance. Un commando de jeunes s’est mis en devoir lundi dernier de scier les poteaux supportant ces fameuses caméras dans leur quartier et s’est affronté aux forces de l’ordre qui voulaient l'en empêcher. Selon la police, ils auraient ainsi voulu permettre une livraison de drogue pour Noël sans risquer d’être identifiés.
Il est hors de question de défendre une activité illégale et nocive sur le plan moral, mais j’ai bien l’impression que ce trafic et cette délinquance servent ici d’alibi pour justifier la présence de ce parc de surveillance a priori disproportionné, qui n’empêche visiblement pas les trafiquants de se livrer à leur lucrative activité. Pour une ville de 50 000 habitants, on dénombrait, en 2018, 88 caméras fixes et une caméra mobile. Mais cela ne suffisait pas au maire les Républicains qui en a fait déployer 56 supplémentaires cette année, pour mieux quadriller sa ville et se faire réélire en jouant sur le sentiment d’insécurité. Mieux encore, il compte équiper la ville de caméras dotées d’un système de lecture des plaques minéralogiques afin de contrôler les véhicules qui rentrent et qui sortent de la commune. Big Brother is watching you. On se croirait dans un film d’anticipation à la manière de 1984 de Georges Orwell, dont les prévisions les plus pessimistes sont en train de se réaliser.
Si j’habitais la commune de Grasse, je ne serais pas spécialement satisfait de savoir que mes allées et venues sont épiées et qu’une part non négligeable de mes impôts est affectée à ce flicage. En 2008, quand le phénomène de vidéosurveillance n’était pas encore aussi répandu, il fallait compter 80 000 euros pour mener les études préliminaires, plus 20 000 euros par caméra pour son installation, et 28 000 euros par agent chargé de contrôler les images filmées en direct. Un coût estimé à 140 000 euros par an pour un système de 20 caméras, je vous laisse faire le calcul pour 140 caméras, sachant que la ville de Lyon y a investi 6 millions d’euros au moment de l’installation de son système.
Aux esprits grincheux qui, comme moi, s’inquiètent de l’atteinte éventuelle à la vie privée, le maire de Grasse oppose l’argument classique et néanmoins fallacieux selon lequel ceux qui n’ont rien à se reprocher ne peuvent pas être pénalisés. C’est le même que celui avancé par les autorités chinoises pour justifier la généralisation à outrance de la reconnaissance faciale, qui s’étend dans tout le pays, jusqu’au métro de Pékin, et qui inquiète les derniers défenseurs des droits de l’homme et des libertés individuelles.