Putain 30 ans !

Vous ne pouvez pas l’ignorer, on vous en a rebattu les oreilles toute la semaine. Je vais, à mon tour, vous parler d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Celui d’un monde qui semblait promis à disparaître. Un monde coupé en deux entre l’Est et l’Ouest à l’image de la capitale allemande, symbolisé par un mur de la honte séparant deux régimes totalement opposés. Ce qui me frappe, avec le recul, c’est à quel point mes souvenirs réels, rendus flous avec le temps, se confondent avec les informations dont on dispose de nos jours.

Sur le moment, les signes avant-coureurs de la chute du fameux Mur, le début de porosité dans le rideau de fer observé aux frontières avec la Hongrie, l’Autriche ou la Tchécoslovaquie, ne m’avaient pas frappé, pas plus que les journalistes de l’époque. La décision d’ouvrir la frontière, annoncée par erreur, a pris de court tous les observateurs. La chute du Mur devenait alors inéluctable. Je ne me vanterai pas d’être allé participer à son démantèlement, et lui porter un des coups de pioche libérateurs comme le prétendra Nicolas Sarkozy en 2009, histoire de se faire mousser. Il se trompait juste d’une semaine. Sur 20 ans. Ça arrive. La mémoire est une fonction bien fragile. Je me suis contenté de suivre les évènements à la télévision, comme tout le monde. Pourtant, je l’avais vu « en vrai », le fameux mur, bien des années avant, et cela faisait froid dans le dos d’observer les Vopos, l’arme en bandoulière, prêts à tirer sur le premier transfuge qui tenterait de passer les barbelés. Et nous ne savions pas tout. Il faudra attendre 2006 avec le film « la vie des autres » pour mesurer toute l’étendue du flicage effectué par la police politique de l’Est, la Stasi, sur les ressortissants de la RDA. Et c’est bien après la réunification que j’ai vu le pont de Glienicke, où se déroulèrent bien des échanges de prisonniers et d’espions, comme Rudolf Abel contre le pilote de l’U2 qui avait survolé l’URSS.

Je ne sais plus si mes souvenirs sont réels ou s’ils m’ont été racontés, mais le symbole de l’ouverture de la frontière entre les deux parties de Berlin restera l’arrivée des fameuses Trabant, ces voitures est-allemandes qu’on disait le fruit des amours coupables entre un vélo solex et une poubelle. Et aussi, légende ou réalité, la stupéfaction des « Ossies » comme on appelait les citoyens de l’Est, en voyant « pour de vrai » des bananes, qui représentaient un monde d’abondance leur paraissant inaccessible. La tentation est grande de réécrire l’histoire, qui, comme chacun sait, est toujours racontée par les vainqueurs. Ce qui est sûr c’est que la réunification n’a pas fait disparaître toute trace du mur symbolique qui a séparé le monde.

Commentaires  

#1 Isabelle 09-11-2019 13:07
Quand je suis arrivée à mon bureau, le 10 novembre 1989, n'avais pas, comme d'habitude, écouté les infos, j'ai vu une Trabi garée dans la rue. "Tiens! Une Trabi", ai-je pensé puis ai continué mon chemin. Dans la rue suivante, encore une Trabi... Je me suis dit qu'il y avait un club et qu'ils avaient fait une concentre. Ce n'est que plus tard chez le boulanger que j'ai finalement appris la nouvelle tellement "énaurme"! Alors, tu vois, même à l'épicentre de l'événement, je n'ai pas vu venir le coup. Je ne suis pas une référence côté actu, mais quand même!
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