Pas gaie la pagaille

Le jeu de mots est tellement tentant qu’il a été utilisé dans au moins deux chansons : celle de Maurane en 1990 et sous une forme voisine dès 1980 avec « rame » d’Alain Souchon. Les journaux ne se sont pas privés de le reprendre pour évoquer le mouvement social des jours derniers à la SNCF. Les cheminots ont décidé d’exercer leur droit de retrait à la suite de l’accident de TER survenu vendredi, dans lequel le conducteur, lui-même blessé, s’est retrouvé seul personnel de l’entreprise à devoir gérer une situation très difficile pour éviter le sur accident et tranquilliser et sécuriser les voyageurs.

Évidemment, les arrêts de travail consécutifs à cette situation ont créé d’énormes perturbations, puisqu’ils sont survenus en plein départ en vacances de la Toussaint. La gêne pour les usagers a été maximale, ce qui est le propre de ces manifestations de protestation. On se souvient de l’éphémère et provocatrice déclaration de Nicolas Sarkozy, fraichement élu président, qui prétendait que grâce à lui, quand il y avait une grève, désormais personne ne s’en apercevait. Avec une remarquable célérité, le gouvernement s’est saisi du prétexte que lui fournissaient les syndicats pour contester le bien-fondé de ce droit de retrait et surfer sur le mécontentement des usagers pour dénoncer une grève surprise, illégale selon lui, car non déclarée à l’avance. Une mauvaise foi évidente. Ce ne sont pas les syndicats qui ont créé l’accident, imprévisible par nature, et cela fait longtemps qu’ils ont alerté l’entreprise sur les risques de laisser les conducteurs seuls agents sur un certain nombre de lignes. Et qui d’autre que l’état, actionnaire principal, pousse à la réduction de la masse salariale, en mettant la pression sur son dirigeant, Guillaume Pepy, par ailleurs sur le départ ?

Ce gouvernement libéral, faute de pouvoir briser le droit de grève, s’efforce d’affaiblir les syndicats par tous les moyens et de limiter leur action dans un de leurs derniers bastions. Il a déjà réussi à casser le statut pour les nouveaux arrivants, il rêve de supprimer le régime spécial des retraites dans ce secteur comme dans d’autres, mais semble prendre conscience que ce ne sera pas si facile de mener à bien une réforme dans laquelle tout le monde ou presque risque de perdre gros. C’est sans doute pourquoi il roule des mécaniques en montrant ses muscles dans une affaire qui aurait dû être réglée en interne par l’entreprise par la voie de la négociation. Un terme qui a disparu du vocabulaire du pouvoir en place. On écoute. On entend parfois. On consulte, mais on ne négocie rien. On préfère octroyer, lancer quelques miettes, des minima sociaux ou des réductions minimes d’impôts après les gros cadeaux fiscaux. Et il faudrait s’en estimer heureux !