En attendant la pluie

Si vous avez comme moi « un certain âge » vous vous souvenez peut-être d’une publicité pour un gel douche dont le nom rappelait volontairement celui d’une émission de télévision axée sur la découverte de contrées merveilleuses, animée par un journaliste qui n’était pas encore une icône de l’écologie. On y voyait des autochtones probablement polynésiens frappant des noix de coco contre le tronc des arbres, en attendant impatiemment la pluie qui leur permettrait d’utiliser enfin les produits de rêve vendus par la fameuse marque.

Pourquoi est-ce que je vous parle de cela ? Parce que deux ans après la suppression de la majeure partie de l’impôt sur la fortune et la mise en place d’une taxation forfaitaire du capital, les têtes d’œufs de l’administration compétente ne sont pas en mesure d’affirmer si les retombées de ces mesures sur l’économie française sont ou non positives, au nom d’une théorie dont la pertinence n’a jamais été prouvée, connue sous le nom de « ruissellement ». On veut croire que l’argent rendu aux plus riches sera réinjecté dans l’économie sous forme d’investissement productif, et profitera donc indirectement aux autres acteurs économiques, moins chanceux. Ce sont donc ces classes moyennes et populaires qui sont en train de frapper leur noix de coco en espérant une ondée bienfaisante qu’ils ne voient pas venir. Mais les « experts » ne sont pas en mesure de répondre à la question, parce que « ce serait trop tôt » et que nous manquerions de recul. C’est aussi parce que la commande du pouvoir est piégée. Emmanuel Macron a promis de modifier la loi si les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Donc, on attendra le temps qu’il faudra.

Ce n’est pourtant pas sorcier. Même moi, qui suis loin d’être un expert, j‘aurais pu lui répondre dès le début. Pourquoi voulez-vous que des gens qui ont déjà le superflu aillent s’embêter à prendre des risques alors qu’on leur apporte tout sur un plateau ? Les liquidités en surplus, les plus riches se les sont versées sous forme de dividendes qui n’ont jamais été aussi importants, et ils ont dépensé un peu plus, pour se faire plaisir, en babioles et colifichets hors de prix. Bon, ça fait marcher le commerce, et spécialement celui du luxe, c’est déjà ça, mais je ne sache pas que les petites mains qui brodent les robes des grands couturiers aient été augmentées récemment pour autant. Alors il parait que le nombre d’exilés fiscaux n’a pas augmenté, mais ceux qui sont déjà partis ne reviendront plus. Ceux qui le souhaitaient ont déjà profité des offres généreuses du gouvernement, acceptant de passer l’éponge sur les détournements fiscaux des enfants prodigues quand ils voulaient se mettre en règle. La pluie, comme la manne céleste, est encore remise aux calendes.