Radar géant voit plus loin

Ironie de l’histoire, cette ancienne enseigne de la grande distribution dont c’était le slogan a disparu officiellement des radars depuis 1988, ce qui ne nous rajeunit pas. Un peu sur ce modèle, l’état remplace progressivement les anciens modèles de radars fixes par des radars tourelles, beaucoup plus performants, parait-il, et surtout plus hauts, dans l’espoir de dissuader les vandales, équipés de gilets jaunes ou non, de les rendre inutilisables. Car les protestataires et autres allergiques à l’autorité se sont fait un devoir de contribuer à la modernisation du mobilier routier en dégradant systématiquement les vieux matériels de répression de la vitesse. Et aussi les nouveaux, d’ailleurs.

Ces mauvais citoyens, pointés du doigt par le gouvernement, sont à l’origine d’une partie du déficit des finances publiques, et à ce titre, stigmatisés par les pouvoirs publics, obligés de dépenser une petite fortune pour le remplacement des radars mis hors d’état de nuire, et soumis à une baisse imprévue des recettes attendues pour les procès-verbaux générés par les machines. Alors que le ministre du Budget espérait que l’état empocherait un milliard 400 000 euros pour l’année 2019 grâce au nouveau matériel, il devra se contenter de 5 à 600 millions, une misère. Les dégradations y sont pour quelque chose, c’est certain. Les contestataires ont trouvé un bouc émissaire idéal dans cette répression mécanique qui peut vous ponctionner votre maigre revenu pour certains, tandis que les plus riches se moquent bien d’amendes plus symboliques que douloureuses pour eux. La mise en cause des 80 km/h sur les routes secondaires illustre bien la grogne générale sur le sujet.

Et puis la lutte contre la vitesse, rendue responsable de la plupart des accidents mortels, quand d’autres facteurs agissent aussi dans un certain nombre de cas, illustre un paradoxe constant de la politique publique. Comme pour le tabac ou l’alcool, la réussite de ces campagnes se traduit nécessairement par une diminution des recettes. L’effet dissuasif revient à se priver d’une partie des recettes dites « de poche », dont l’état ne sait plus se passer. Les Français, même à contrecœur, même sans être convaincus du bien-fondé de la politique restrictive du gouvernement, observant leur porte-monnaie, ont eu tendance à lever le pied, au moins dans les zones susceptibles d’être contrôlées. Ils rejoignent ainsi, un peu, ces mauvais Français qui ne fument pas, ne boivent pas et ne jouent pas pour la bonne cause, en s’acquittant ainsi d’un impôt volontaire et invisible. Il ne manquerait plus qu’ils arrêtent de consommer pour ne plus payer les taxes les plus injustes telles que la TVA. Remarquez, à force de rogner sur tous les à-côtés, de diminuer les retraites, de dé rembourser certains médicaments, l’état va finir par y arriver, à cette baisse de la consommation, et ce ne sont pas les miettes rendues aux ménages déjà faiblement imposés qui contrebalanceront la paupérisation des plus démunis.