Retenez-moi

Donald Trump ne veut pas faire la guerre, ni contre l’Iran, ni contre la Corée du Nord, ni contre qui que ce soit, d’ailleurs, s’il peut faire autrement et en tout cas pas maintenant, avant de se représenter devant le suffrage des Américains pour un second mandat. Même si c’est pour de mauvaises raisons, on ne peut que s’en féliciter, « avec un soupçon de réserve toutefois » aurait chanté l’oncle Georges, car il ne faudrait pas que le président des États-Unis se mette en situation de rendre la guerre inévitable.

Son petit pas de deux avec le dictateur nord-coréen, Kim Jung Un, un « je t’aime, moi non plus », lui a permis d’amuser la galerie à peu de frais, et sans grand risque. Malgré les rodomontades mutuelles des deux dirigeants, le danger d’une escalade est relativement restreint. Il n’en va pas de même avec un pays tel que l’Iran, fort de ses 82 millions d’habitants et de son armement, qui lui ont permis de rivaliser avec les puissances régionales d’Irak ou d’Israël. Un certain équilibre avait été trouvé par des accords internationaux permettant à l’Iran d’exporter son pétrole en échange du gel des projets nucléaires. Accords rayés unilatéralement d’un trait de plume par le président américain, qui renforce les sanctions contre l’Iran.

Il faut savoir que la situation économique intérieure en Iran est dramatiquement affectée par ces sanctions. Les dirigeants iraniens, par ailleurs bien peu respectueux des droits de l’homme, ne peuvent rester inactifs vis-à-vis de la population. Les menaces sur la circulation des pétroliers dans le détroit d’Ormuz et les récentes attaques d’installations pétrolières saoudiennes, directement ou indirectement attribuées à l’Iran, sont là pour en témoigner. Donald Trump ne peut pas rester sans réaction devant une situation qu’il a lui-même créée de toutes pièces, mais il lui faut savoir jusqu’où aller trop loin. En juin dernier, il avait décidé puis annulé une riposte militaire contre l’Iran à la suite d’une attaque contre un drone américain, officiellement pour des raisons humanitaires. Le monde est alors passé à 10 minutes d’une possible escalade militaire aux conséquences imprévisibles. À force de jouer à « retenez-moi, ou je fais un malheur », Donald Trump prend le risque de devoir un jour aller jusqu’au bout de ses menaces, ne serait-ce que pour ne pas perdre la face. Le danger sera réel tant qu’il sera entouré de faucons, au premier rang desquels se trouve Mike Pompeo, l’actuel chef de la diplomatie américaine, qui souffle sur les braises en qualifiant les attaques contre l’Arabie Saoudite d’actes de guerre imputables à l’Iran. La paix a encore ses chances, mais il faudra probablement attendre un nouveau président américain pour lancer le processus.