Concentration
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 2 septembre 2019 10:51
- Écrit par Claude Séné
De la concentration, les élèves, comme les enseignants, qui reprennent le chemin de l’école, en auront grand besoin pour aborder cette nouvelle année scolaire. Je ne suis pas certain, en revanche, que le nouveau regroupement pédagogique concentré qui s’ouvre à Oisemont dans la Somme soit la meilleure idée du siècle. Il n’y aura pas moins de 360 élèves répartis sur 17 classes, de la maternelle au CM2, réunis dans les mêmes locaux. Ce gigantisme volontaire, fabriqué de toutes pièces pour pouvoir fermer de petites écoles rurales, me rappelle fâcheusement celui des immenses élevages tels que la ferme aux mille vaches.
Je ne vois pas pourquoi ce qui est éminemment nocif pour le bétail serait tout à coup souhaitable pour les enfants, à moins que le véritable enjeu soit essentiellement financier et se moque éperdument du bien-être des élèves autant que celui des bovins. Les instigateurs du projet mettent en avant les avantages que représente la mutualisation des moyens et des compétences, comme si un regroupement à taille humaine, une classe par niveau, n’aurait pas rempli les mêmes objectifs. En face de ces bénéfices supposés, il va falloir inscrire les pertes, à commencer par les transports scolaires qui seront d’autant plus longs que le regroupement sera plus large. Sans compter les inconvénients liés directement au nombre : environnement plus bruyant, ambiance moins familiale, etc.
Ce qui est visiblement dans le collimateur du ministère, ce sont les 45 000 écoles rurales de moins de quatre classes, que Jean-Michel Blanquer rêve de regrouper pour diminuer le nombre de postes et donc les coûts. Il a déjà envoyé un ballon d’essai sous la forme d’un amendement prévoyant des regroupements d’établissements scolaires sous l’autorité du principal du collège, qui a soulevé un tollé dans la communauté éducative et a finalement été rejeté par le Sénat, mais qui en dit long sur les arrière-pensées et les intentions du ministre. Il n’est pas question de nier les difficultés soulevées par l’organisation et le maintien de classes uniques, où l’enseignant doit jongler avec les multiples niveaux, mais il doit être possible de trouver un compromis entre cette situation et un élevage en batterie d’élèves standardisés, anonymisés, regroupés dans des ensembles qui n’auraient plus de pédagogiques que le nom. Voilà déjà bien longtemps que les syndicats enseignants dénoncent une gestion purement comptable de l’éducation nationale. Le ministre devrait voir, ou revoir, le film documentaire de Nicolas Philibert, « être et avoir », qui montre le quotidien d’une classe unique, et la façon dont l’enseignant, malgré des méthodes peu modernes, arrive à permettre à ses élèves de s’épanouir et de progresser. Il y apprendrait probablement quelque chose que l’on ne trouve pas dans les ouvrages savants : la relation maître-élève.