J’ai changé

Sarkozy nous avait fait le coup à de nombreuses reprises, toujours pour justifier une nouvelle demande de confiance des Français. En 2007, conscient de son image négative dans les médias et une partie de l’opinion publique, il affirmait avoir changé afin de remporter l’élection présidentielle. Pari audacieux, mais réussi, grâce à la puissance du « storytelling » et des docteurs faiseurs de miracles. 5 ans plus tard, il récidive, mais avec moins de réussite. L’ardoise magique ne fonctionne pas à tous les coups.

La recette a pourtant plu à Emmanuel Macron qui s’est fait élire sur une formule éprouvée, bien qu’implicite : « tout changer, pour que rien ne change ». Entendez par là qu’il y aura beaucoup de remue-ménage, mais que les rapports de domination et d’exploitation des citoyens, eux, ne bougeront pas. Sous couleur de concertation, les décisions viennent toujours d’en haut, les citoyens n’ayant de voix que consultative, et encore. Et puis est venu le temps de la contestation ouverte et le vent du boulet « gilets jaunes ». Après les alertes du type « Benalla », où les muscles présidentiels n’ont pas calmé l’effet désastreux de l’arrogance du pouvoir, le régime a tremblé sur ses bases, et Emmanuel Macron semble avoir compris qu’il pouvait y avoir des répliques au séisme, qui n’avait d’ailleurs peut-être pas atteint son apogée.

C’est donc au tour du président actuel de montrer qu’il a changé. En l’occurrence, il a surtout changé d’avis. Après avoir poussé Jean-Paul Delevoye à présenter un rapport sur les retraites, basé sur le report déguisé de l’âge légal de départ, il prend le contrepied de sa propre idée en défendant un allongement de la durée de cotisation. En pratique, cela revient à peu près au même : il s’agit de demander de travailler plus longtemps pour toucher moins, mais il rejoint ainsi la CFDT, qui se morfond depuis 2017 en voyant ses offres de services au gouvernement sans cesse dédaignées. Laurent Berger va enfin pouvoir collaborer, en escomptant une capitalisation au détriment des centrales syndicales plus critiques. Pour le pouvoir, c’est un changement de pied, et de ton. Voilà que non seulement on va consulter, comme avant, mais encore il ne serait plus exclu de tenir compte des avis exprimés. Un indice, apparemment minuscule, de l’évolution du rapport de forces : le MEDEF, qui s’est félicité bruyamment de la politique suivie jusqu’ici par l’administration Macron, notamment sur les cadeaux faits aux grandes entreprises, exprime des doutes sur la réforme des retraites à venir et brandit le spectre de la banqueroute du régime, selon une technique éprouvée. À votre place, je ne me ferais pas trop d’illusions tout de même sur la nature et la profondeur de ce changement apparent.