Surprise surprise

Les députés de la République en marche n’en sont apparemment pas encore revenus. Voilà que les opposants au gouvernement s’en prennent à eux, et parfois de façon violente, pour leur reprocher de soutenir un pouvoir dont les décisions, de leur point de vue, les pénalisent. C’est visiblement une énorme surprise pour eux, et moi, je suis surpris de leur surprise. Ils ont beau être issus de la société civile, comme on a l’habitude de le dire, pleins de bons sentiments, et confiants dans la direction impulsée par le président de la République, cela ne suffit pas à contenter tout le monde et son père.

Ils sont évidemment convaincus de tout faire pour le bien de leurs concitoyens, et il ne leur vient pas à l’idée qu’on ne peut pas faire le bien des gens contre leur volonté. Ils ont cru, bien naïvement, que les électeurs avaient voté pour eux, certes, mais surtout pour leur programme, dont la population ne connaissait pourtant pas le détail, et dont elle ne réalise qu’au fur et à mesure les effets et les éventuels dommages collatéraux. Certains d’entre eux ne comprennent pas qu’étant eux-mêmes issus du milieu rural, d’autres agriculteurs leur reprochent, y compris violemment, d’avoir approuvé le traité commercial avec le Canada, quand d’autres d’ailleurs, et en nombre relativement conséquent, ont pris conscience que leurs électeurs ne les avaient pas mandatés dans ce sens, et ont préféré s’abstenir ou voter contre. Première manifestation d’une indépendance vis-à-vis du gouvernement, qui en appelle d’autres, peut-on l’espérer.

Cette première entorse à la discipline parlementaire n’est peut-être pas étrangère à l’espèce de mea-culpa énoncé par Emmanuel Macron, qui concède, du bout des lèvres, qu’il « n’a pas tout bien fait depuis six mois » et que le mouvement des gilets jaunes « pourrait durer ». C’est trop d’honneur, mais il me semble que le président a un léger souci avec les dates. Premièrement, il a été élu en mai 2017 et ce serait singulièrement immodeste de prétendre n’avoir pris aucune mauvaise décision jusqu’à fin 2018. Deuxièmement, le mouvement des gilets jaunes en est à sa 37e semaine, et il a donc commencé il y a bien plus de 6 mois, en octobre 2018 précisément. Pour en revenir aux néophytes élus députés sous la bannière présidentielle, je mets à part les politiques déjà encartés ailleurs qui ont simplement changé de casquette pour conserver leur gagne-pain, la chute doit être dure, notamment pour les plus sincères d’entre eux. C’est cependant logique. Ils ont été désignés grâce à leur étiquette, et celle-ci devient maintenant difficile à porter. Car la start-up nation est un mythe commode pour faire croire que la France peut être administrée par des gestionnaires apolitiques, comme une entreprise, sans idéologie particulière. Mais chassez la politique, elle reviendra au galop.