Bojo

Tel est le diminutif (affectueux ?) du nouveau locataire du 10 Downing Street, qui va être officiellement désigné par la reine d’Angleterre pour former un gouvernement. Boris Johnson succède ainsi à Theresa May, dont l’opiniâtreté n’a pas suffi à résoudre la quadrature du cercle que représente la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Il a remporté haut la main l’espèce de primaire du parti conservateur, mais il ne disposera cependant pas d’une majorité absolue au parlement. Bojo devra composer avec son allié de circonstance, le parti unioniste démocrate irlandais, qui compte 10 députés.

Même ainsi, la majorité conservatrice est très fragile avec seulement deux députés d’avance, dont l’union pourrait se fracturer au moment de la sortie effective de la Grande-Bretagne, avec ou sans accord au 31 octobre prochain. Pour couronner le tout, le parti de Bojo n’a obtenu que 9 % des voix aux élections européennes et sa cote personnelle est assez basse dans les sondages, inférieure à celle de Theresa May à sa nomination. Mais il y a une chose que l’on ne peut pas retirer à Boris Johnson, c’est son audace et son culot. Ce fier-à-bras se montre persuadé de pouvoir obtenir un accord plus favorable aux intérêts britanniques et menace d’une sortie « sèche » quitte à pénaliser son propre pays, dans le cas contraire. Le personnage fantasque qu’il s’est composé, notamment quand il était maire de Londres, séduit ou hérisse ses interlocuteurs. Il a apparemment conquis la confiance de son homologue américain, lui-même tout aussi imprévisible.

Jusqu’au style vestimentaire, ou à la coiffure, qui en font une sorte de faux frères jumeaux. Ils semblent s’entendre comme larrons en foire, mais jusqu’à quand ? Boris Johnson escompte visiblement se rapprocher des États-Unis pour compenser les pertes sur le marché européen. Il ne devrait pas oublier que Donald Trump peut bien faire de grands sourires et distribuer les poignées de main à vous broyer les phalanges, mais que les démonstrations d’amitié ne l’empêcheront pas de favoriser outrageusement son pays dans les négociations commerciales, usant et abusant de la domination économique américaine. Beaucoup d’observateurs britanniques prédisent une chute du gouvernement conservateur à plus ou moins brève échéance, mais l’opposition travailliste n’est en guère meilleur état pour prendre les commandes après des élections générales éventuelles. On pourrait bien assister à un effondrement des partis traditionnels, comme dans beaucoup de pays depuis un certain temps, ce qui ouvrirait la voie à n’importe quelle aventure. On ne peut que souhaiter à Bojo de réussir, pour éviter le pire et en espérant que l’exercice du pouvoir l’amènera à plus de rationalité.