Circulez !

Il n’y a rien à voir. Des violences policières ? vous avez vu des violences policières, vous ? Alors que le mouvement des gilets jaunes d’essouffle, ils étaient encore quelques centaines à défiler samedi dernier pour dénoncer les mutilations sont ont été victimes certains de leurs camarades. 23 personnes ont perdu un œil, 5 une main, un autre a été amputé d’un testicule, et encore un a perdu l’odorat, pour ne parler que des cas les plus graves. Près de 2500 manifestants ont été blessés, de l’aveu même des autorités.

Rien d’étonnant donc à ce que le procureur de la République de Paris ait annoncé ce qui paraît comme une évidence : il y a des enquêtes en cours. Certaines seront classées sans suite, mais, selon toute vraisemblance, d’autres aboutiront à des mises en examen et à des procès. Il n’est donc pas exclu que des policiers ou des gendarmes soient condamnés si l’examen des faits conclut à leur responsabilité personnelle. Cette simple constatation a déclenché le branle-bas de combat chez les syndicats professionnels, qui n’imaginent pas un instant qu’une faute puisse être imputée aux forces de l’ordre, lesquelles seraient, par définition, exemptes de toute suspicion. L’argument est aussi simple que fallacieux. Les policiers sont exténués, ils accumulent les heures supplémentaires non payées et non récupérées, leur hiérarchie les envoie au casse-pipe parfois sans discernement, et il leur est donc insupportable de devoir rendre des comptes. Toutes choses qui, au contraire, pourraient expliquer un usage abusif de la force et les nombreux suicides parmi les policiers.

Leur secrétaire d’État à l’Intérieur, Laurent Nuñez, en a remis une couche en déclarant n’avoir aucun regret sur la gestion des manifestations, et que ce n’est pas parce qu’il y a eu des blessés qu’il a faute des forces de l’ordre. En effet, il faut plutôt inverser l’ordre des facteurs : c’est parce qu’il y a eu faute des forces de l’ordre, et notamment au sommet de la hiérarchie qui a autorisé l’usage d’armes pouvant causer des dégâts irréversibles, tels que le lanceur de balle de défense ou les grenades de désencerclement, que les blessés ont été si nombreux. Et le gouvernement peut s’estimer heureux qu’il n’y ait eu qu’un décès collatéral, celui de cette octogénaire de Marseille, morte des suites d’un éclat de grenade lacrymogène en décembre 2018. Laurent Nuñez a néanmoins concédé qu’il s’en remettait à la justice pour faire la lumière sur les affaires en cours. Encore heureux ! Malheureusement, les responsables des situations qui ont amené à ces affrontements, ceux qui ont laissé pourrir la contestation en espérant que la violence des casseurs détournerait l’opinion et la dissuaderait de soutenir le mouvement, ces responsables politiques, dont il fait partie, ne seront pas jugés.