Maréchal Lombard nous voila
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 8 mai 2019 10:42
- Écrit par Claude Séné
Le procès de Didier Lombard, ancien PDG de France Télécom au moment de la vague de suicides qui a frappé les salariés de l’entreprise publique par suite de la pression mise sur eux et le harcèlement moral dont ils ont été victimes, vient de s’ouvrir. Non seulement l’ancien dirigeant nie toute responsabilité, mais il nous sert le couplet utilisé par le Maréchal Pétain en juin 1940 en prétendant avoir sauvé l’entreprise d’un destin plus funeste encore. En somme, il aurait fait don de son corps à France Télécom et fait le sale boulot pour le bien public.
Une version contredite par ses déclarations de l’époque, qui ont fait scandale à juste titre. Il assumait fort bien alors de virer 22 000 salariés, « par la porte ou par la fenêtre ». Malheureusement, certains employés, harcelés du matin au soir, ou placardisés volontairement, l’ont pris au mot en se défenestrant. Didier Lombard n’aura pas un mot de compassion pour les familles durement touchées par sa gestion de l’entreprise et ajoutera le cynisme à la brutalité en évoquant une « mode du suicide » parfaitement indécente. Comment peut-il ne faire aucun lien de causalité entre sa politique de réduction des effectifs, ses pressions sur les salariés pour les pousser au départ volontaire, le fait de pourrir la vie des employés en les rétrogradant sans raison et en les rabaissant constamment jusqu’à ce qu’ils perdent toute estime de soi, et les nombreux suicides qui se sont alors produits ? Non seulement il ne s’est pas opposé au rôle de bourreau qu’on lui avait assigné, mais il semble y avoir apporté le zèle des kapos dans d’autres circonstances.
Il en a été largement récompensé par une scandaleuse retraite chapeau, qu’il cumule avec sa retraite de haut fonctionnaire, et, jusqu’il y a peu, ses jetons de présence au conseil d’administration d’une grosse entreprise. Pour moi, ce PDG s’est rendu coupable d’homicide, à la rigueur involontaire au début, et devrait encourir la sanction prévue au Code pénal pour cela. Pour harcèlement moral, il ne risque que 2 ans de prison au maximum et 30 000 euros d’amende, à peine un mois de sa retraite. Pousser une trentaine de personnes au suicide est visiblement moins grave aux yeux du législateur que de casser quelques vitrines sur les Champs Élysées. Je ne dis pas que c’est bien, mais tout de même. Didier Lombard rejette sa responsabilité dans cette affaire en se réfugiant derrière une entité aussi vague que la mondialisation ou la nécessaire évolution de l’économie. Ce n’est pas sa faute, c’est la vie, ce sont les dures lois du marché, si ce n’est pas lui qui agit, quelqu’un d’autre le fera… tous les discours bien connus qui ont permis aux collabos en tout temps et en tous lieux de tenter de s’exonérer des conséquences de leurs actes.