Les révoltés du Bounty

Vous savez que je n’aime rien tant que de faire se télescoper des évènements d’actualité en jouant sur des similitudes parfois hasardeuses. Mon propos du jour va m’obliger à quelques rappels historiques, à commencer par la fameuse mutinerie qui a éclaté en 1788 à bord du navire anglais HMS Bounty et qui a vu les partisans du commandant en second, Fletcher Christian, l’emporter sur le cruel Capitaine Bligh, abandonné dans une grande chaloupe avec le reste de l’équipage au large de Tahiti. L’histoire, largement romancée, donnera lieu à un film à succès en 1962.

Toutes proportions gardées, l’action en justice qui s’ouvre ce jeudi à l’initiative de quatre ONG pour demander la condamnation de l’état pour « inaction climatique » s’apparente à une tentative de mutinerie, avec le Président Macron dans le rôle du Capitaine Bligh, et Nicolas Hulot, qui vient de signer une tribune avec Laurent Berger, secrétaire de la CFDT, promu premier opposant de France, dans celui tenu par Marlon Brando. Tout l’argumentaire du procès tient dans le fait que l’état, qui détient la légitimité, n’a pas tenu les engagements qu’il s’était lui-même fixés en matière de réchauffement climatique lors de la COP 21 qui se tenait à Paris. Les mutins veulent l’obliger à faire ce qu’il avait promis et doivent se révolter pour cela. Ils s’appuient sur les deux millions de membres d’équipage qui ont signé la pétition en ligne lancée depuis quelques mois. L’issue du procès est incertaine, mais une condamnation symbolique ferait date dans ce que les ONG appellent « l’affaire du siècle ».

Mais le Bounty est devenu également le nom d’une friandise chocolatée, et par extension sert à désigner en argot urbain, des personnages pleins de sournoiserie, car ils sont noirs à l’extérieur, mais blancs à l’intérieur. Des « faux-frères » en somme pour les militants de la cause noire. Il faudrait inventer l’équivalent en vert, à base de pistache par exemple, pour désigner les politiques qui se proclament écologistes à l’extérieur, en criant « make our planet great again » pour fustiger l’attitude des États-Unis, tout en refusant au ministre de l’Écologie les moyens de la transition énergétique. Une duplicité illustrée aujourd’hui encore par la participation d’Emmanuel Macron à un nouveau sommet pour la planète à Nairobi, où il se pose en sauveur et en défenseur des accords de Paris, alors qu’en marge de son déplacement on annonce surtout la conclusion de contrats commerciaux pour 2 ou 2 milliards d’euros. Encore un effort, et Emmanuel Macron pourra faire sienne la parole de Nicolas Sarkozy qui déclarait en 2010 que l’environnement, « ça commence à bien faire », révélant ainsi ses convictions profondes.