Ouvrez les guillemets
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 6 mars 2019 10:47
- Écrit par Claude Séné
Nicole Belloubet a qualifié l’agression des deux surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe d’« attaque terroriste ». Une information reprise par le journal l’Est républicain, encadrée de guillemets, comme autant de pincettes, laissant penser que le journal marque bien qu’il cite la ministre, sans pour autant adhérer à son jugement. Il est vrai que le terme de terrorisme évoque davantage des actes impliquant plusieurs victimes, et parfois même des tueries de masse comme au Bataclan ou à Nice. La seule « qualité » de musulman radicalisé ne suffit pas à caractériser ses actes, même s’il est avéré qu’il aurait invoqué Allah au moment de l’agression.
Comme son nom l’indique, l’acte terroriste vise à semer la peur, et même l’épouvante dans la population, en espérant influer négativement sur sa vie quotidienne, voire la dissuader de vaquer normalement à ses occupations ou se divertir comme à son habitude. L’attentat revêt généralement un caractère exemplaire de punition pour des attitudes contraires à la propagation d’un islam rigoriste. Il est le fait de militants radicalisés, généralement prêts à mourir pour leur « cause », et commandités, sinon télécommandés, par une organisation du type état islamique, qui revendique ensuite et valide leur action. On a vu quelques exceptions à ces règles implicites telles que le meurtre de deux policiers à leur domicile à Magnanville, mais c’est le schéma habituel. Le détenu en question était connu pour s’être radicalisé en prison, mais il ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière, rien n’indiquant un projet de passer à l’acte. Et c’est bien la difficulté. Celle d’évaluer précisément la dangerosité d’une personne « connue des services de police » comme on dit, sachant qu’une surveillance effective mobilise environ une vingtaine de personnes par jour et que le « fichier des signalements pour atteinte à la sureté de l’état » (FSPRT) contient 19 000 noms dont 12 000 seraient actifs.
Si la Garde des Sceaux se précipite ainsi pour qualifier de terrorisme ce qui ressemble à une initiative isolée s’un homme qui n’a plus grand-chose à perdre en étant condamné à 30 ans de prison dont 20 ans de sureté, c’est que le pouvoir espère avoir quelque chose à récupérer en agitant cet épouvantail. Nous avons déjà eu droit à des annonces de complots terroristes déjoués, sans qu’il soit possible de vérifier ces informations pour cause de secret nécessaire au bon fonctionnement des services. Quant aux cas particuliers des islamistes radicaux déjà condamnés, même si les peines sont longues, nul ne sait ce que l’on pourra proposer lorsqu’elles seront effectuées, sachant que la déradicalisation avancée par certains se révèle une fumisterie totale et que la prison renforce l’extrémisme et non le contraire.