Épuisée !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 19 février 2019 11:03
- Écrit par Claude Séné
Petite parenthèse gastronomique aujourd’hui. Je me suis intéressé à la publicité d’une marque de desserts à base de produits laitiers, qui commercialise une spécialité de crème brûlée dite « à la vanille Bourbon ». Comme moi, vous imaginez déjà les paysages enchanteurs de la Réunion, le nom actuel de l’île Bourbon. L’étiquette nous présente d’ailleurs la fleur et la gousse de vanille à l’appui de la réclame. Cependant, aucune provenance précise des ingrédients n’est mentionnée. Tout au plus apprend-on que le pourcentage de vanille n’est que de 0,7 %, sous forme d’arôme naturel de vanille Bourbon.
Arôme naturel, ça doit être bien, ça ? Ben, non ! seule la mention « extrait naturel de vanille » vous garantit que le produit a bien été fabriqué avec de véritables gousses de vanille. Sinon, il peut s’agir de pulpe de betterave, de maïs, de sucre de riz, soumis à la fermentation de champignons pour fabriquer de la vanilline, au goût proche de la vanille. Très naturel comme procédé, mais sans la moindre trace de vanille authentique. Quant à la mention vanille de Bourbon, il ne désigne qu’un label de l’origine géographique de la plante, celle de l’océan Indien, mais n’a pas de caractère contraignant, les anglophones appelant Bourbon Vanilla toute production de la plante Vanilla planifolia. Dans tous les cas, la véritable vanille coûte excessivement cher. Beaucoup trop pour des industriels voulant commercialiser un produit de grande consommation, comme les crèmes et les glaces. C’est pourquoi on retrouve sur l’étiquette la mention « gousses de vanille épuisées ». De quoi s’agit-il ? Lorsque l’on a utilisé les grains de vanille, on broie les gousses, qui ont conservé une petite partie de l’arôme de vanilline, pour en extraire une dernière moelle, qui n’a plus grand-chose de substantifique.
Faites l’expérience au rayon surgelé de votre magasin habituel. Vous ne trouverez pas de glace « à la vanille » à base de véritables gousses de vanille, autres qu’épuisées. Même chez le fabricant de produits haut de gamme bien plus chers que les produits standards. Revenons à notre crème brûlée. Le logo de la marque est un petit village traditionnel surmonté d’un clocher et entouré de verts bocages, suggérant une fabrique artisanale, ce qui a dû être le cas à l’origine. De nos jours, la petite laiterie familiale a essaimé jusqu’aux États-Unis et fait partie du gotha de l’agroalimentaire. Pour autant que je puisse le savoir, n’étant pas un adepte assidu des desserts lactés, ses produits ne sont pas plus mauvais que d’autres, et ses procédés publicitaires ne sont pas plus mensongers. Ils reflètent simplement l’habitude prise de s’arranger avec les réglementations, pour les contourner sans les enfreindre formellement.