Œil pour œil
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 2 février 2019 10:27
- Écrit par Claude Séné
Entendons-nous bien. Je voudrais dissiper tout malentendu sur ce titre qui pourrait faire penser à une quelconque loi du Talion, qui, bien que mise en place pour éviter les vendettas interminables, n’a aucunement sa place dans le propos qui va suivre. Je n’imagine donc pas une seule seconde que Monsieur Nuñez dût sacrifier un œil pour compenser la perte possible de celui du gilet jaune parmi les plus médiatisés, Jérôme Rodrigues. Non, ce que je veux dire, c’est qu’un œil est un œil, et pour celui qui le perd, c’est un drame.
Les efforts pitoyables de Laurent Nuñez, adjoint au ministre de l’Intérieur avec le grade de Secrétaire d’État, pour s’acharner à déclarer qu’il n’y avait pas eu de tir de balles de défense à cet emplacement, mais une grenade de désencerclement, en disent long sur la gêne, pour ne pas dire plus, du pouvoir vis-à-vis de ces armes controversées. Comme si une blessure devenait plus acceptable si elle était infligée par une arme au lieu d’une autre. La vérité, et tout le monde la connaît désormais, c’est que les LBD 40, ET les grenades GLI-F4 sont des armes extrêmement dangereuses susceptibles d’entraîner des mutilations sévères, et que le simple bon sens devrait commander d’en interdire l’usage, n’en déplaise aux conseillers d’État, qui ont validé leur usage aujourd’hui même. Sans être méchant, on aimerait qu’ils expérimentent par eux-mêmes ce que ça fait de perdre une main ou un œil, juste pour savoir. Il est vrai qu’ils ne courent pas grand risque, car ils sont toujours du côté du manche et je doute les voir un jour descendre dans la rue pour protester.
Ce qui gêne le gouvernement aux entournures, c’est le risque de faire de Jérôme Rodrigues un martyre authentique : c’est un gilet jaune de la première heure, proche des figures historiques du mouvement, et qui a toujours été dans la modération et la non-violence. Difficile de le faire passer pour un enragé qui l’aurait bien cherché. Il serait aussi la preuve vivante que le gouvernement n’a pas tenu son engagement de filmer tous les tirs, puisque celui-ci aurait échappé à la règle. De plus, le policier qui l’a touché, soit ne sait pas se servir de son arme et a mal visé, soit au contraire a sciemment enfreint l’interdiction de viser le haut du corps. On a encore en tête le drame de Sivens où un jeune militant écologiste, Rémi Fraysse, a perdu la vie à cause d’une arme soi-disant seulement incapacitante, la grenade M84, qui a fait la preuve de sa létalité. C’est ça que cherche le gouvernement ? Est-il seulement conscient des risques qu’il prend et qu’il fait courir aux autres ? Ou bien n’est-il que ce qu’il a l’air d’être : un groupe d’amateurs propulsés au pouvoir sans la moindre préparation ?