Le quatrième pouvoir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 10 novembre 2018 10:06
- Écrit par Claude Séné
L’expression désigne généralement la presse et les médias, par opposition aux trois autres pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. C’est ce pouvoir, supposé indépendant, qui permettrait de ne pas tomber dans l’arbitraire et empêcherait les puissants de n’en faire qu’à leur tête. Il s’agirait d’un contre-pouvoir permettant le libre exercice de la démocratie. C’est donc un enjeu pour les dirigeants, ou ceux qui aspirent à le devenir. Ils souhaitent le contrôler, à défaut de le manipuler, et tous les moyens sont bons. Y compris discréditer les journalistes, boucs émissaires commodes de tous les maux de nos sociétés modernes.
Voyez par exemple Donald Trump. Au lendemain des élections de mi-mandat, c’est lui-même qui se charge d’annoncer et d’interpréter les résultats. C’est ce que j’appellerai une défaite triomphale, puisque les Républicains ont perdu la majorité à la Chambre des représentants, même s’il est exact qu’ils ont conforté leur domination au Sénat. Le gros problème du président américain, c’est que l’opinion fasse confiance à une presse indépendante qui pourrait le contredire. Or, à part la chaine Fox News, les médias refusent d’encenser le président et de relayer ses bobards. Pire encore, certains journaux se sont amusés à recenser le nombre de mensonges proférés par le Pinocchio américain. Début septembre, il en était à plus de 4700 en 592 jours, selon le Washington Post. Ce qui ne l’empêche pas d’accuser les journalistes de diffuser des fausses nouvelles dans le but de lui nuire. Son dernier fait d’armes ? Son refus de répondre en conférence de presse à un de ses souffre-douleurs représentant la chaine CNN, qu’il accusera ensuite de violence à l’égard d’une assistante chargée de lui reprendre le micro, à l’aide d’une vidéo honteusement truquée.
Nous n’avons malheureusement pas de leçons à donner à nos cousins d’outre-Atlantique, tant la tentation est grande chez nous aussi de rejeter la faute des mauvaises nouvelles sur les messagers qui l’annoncent. Déjà, en son temps, de Gaulle, devenu président, avait décidé que les journaux étant contre lui, la télévision serait son domaine réservé. Macron ne rate pas une occasion de fustiger la presse, qui n’est pas assez aux ordres selon lui. Curieusement, ses opposants, que ce soit Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, lui font le même reproche. À force de dénoncer les journalistes, l’opinion publique a fini par partager la méfiance des hommes politiques, à qui elle n’accorde pourtant pas plus de crédit. On en arrive à une situation paradoxale : les journaux étant suspects de servir les intérêts d’une caste parisienne, les citoyens, et particulièrement les plus jeunes, préfèrent donner foi à des rumeurs invérifiables qui circulent sur des canaux incontrôlables et relayent le plus souvent des théories complotistes, avec tous les risques de dérapage que cela comporte. Pourtant, la situation serait pire sans ce fameux quatrième pouvoir.